Mon cher lecteur,
Hier, le Trésor américain a déclaré que la nouvelle taxe française, dite « Taxe GAFA » était « hautement discriminatoire contre les États-Unis » et que le gouvernement fédéral étudiait la réponse adéquat à y apporter, notamment devant l’OMC.
Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle la taxe Google, ou taxe GAFA, elle touchera presqu’exclusivement 30 grands groupes technologiques américains en les taxant à hauteur de 3% de leur chiffre d’affaires en France. Vous pouvez déjà écrire la fin de l’histoire, cette taxe sera annulée, rétrocédée ou compensée par ailleurs. Cela devient une habitude, je pense même qu’ils le font exprès.
Car la taxe est effectivement discriminatoire. Tous les grands groupes du CAC40 font de l’optimisation fiscale agressive aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et partout où l’opportunité se présente.
On a appris il y a quelques semaines que Carlos Ghosn — patron de Renault ! — était résident fiscal des Pays-Bas depuis 2012… Selon les règles de domiciliation, il ne peut l’être que parce que le siège de l’alliance Renault Nissan est aux Pays-Bas, tout comme celui d’Airbus. Les activités internationales de Thalès et Capgemini sont pilotées de là-bas, Danone y a mis son centre de recherche mondial.
De tous nos grands groupes, LVMH est le roi de l’optimisation fiscale avec 234 filiales dans des paradis fiscaux, suivi de près par nos grandes banques.
Les activités non-extractives de Total sont aux Émirats, Dassault ne paie pas la TVA en enregistrant ses jets privés sur l’île de Man… Je peux continuer encore longtemps.
Dans un univers concurrentiel, ces groupes sont obligés de pratiquer ces optimisations afin de ne pas laisser un avantage compétitif à un concurrent moins regardant (et les soi-disante politiques de Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises n’y ont rien changé).
Quelle hypocrisie de reprocher aux géants américains, une optimisation agressive que nos groupes pratiquent avec autant d’assiduité.
Et l’hypocrisie est double car les États-Unis soutiennent cette taxe de 3% sur le chiffres d’affaire des GAFA !!… Mais pas que.
Les GAFA ne paient pas plus d’impôt aux États-Unis qu’en Europe et Donald Trump compte bien les imposer sur leur chiffre d’affaires aux États-Unis également… Mais, il s’agit de généraliser cette taxe à tous les grands groupes au sein de l’OCDE, y compris nos champions du CAC40. C’est l’objet des négociations en cours à l’OCDE que Monsieur Lemaire a court-circuité se mettant en situation de faiblesse maintenant qu’il a donné à Washington la verge pour le corriger.
Non seulement, cette taxe Google constitue une rupture d’égalité devant l’impôt mais elle ouvre également la voie à une généralisation pour tous les grands groupes à l’intérieur de l’OCDE d’ici quelques années et c’est dramatique, car paradoxalement, cette taxe assoit à moindre frais les pratiques contre lesquelles elle entend lutter.
C’est une nouvelle perte de souveraineté qui va continuer d’affaiblir une France déjà exsangue.
Entendez-moi bien, le problème actuel N’est PAS la concurrence fiscale des Pays-Bas ou de l’Irlande mais notre incapacité d’y répondre souverainement, de trouver un compromis gagnant-gagnant entre les intérêts néerlandais et les nôtres.
La concurrence fiscale est une chose excellente. Elle est le garant de nos libertés face aux ogres étatiques. Elle est même bien plus que cela : la concurrence fiscale permet un équilibrage des richesses. Il est normal qu’une région très attractive lève plus d’impôts qu’un « trou paumé » qui attirera malgré tout de l’activité grâce à une imposition plus faible et incitera les régions attractives à une modération fiscale et une utilisation plus efficace des ressources publiques.
Ce n’est pas une taxe Google qu’il fallait lever, c’est, à défaut d’accord, une taxe Dublin, une taxe La Haie, Bruxelles, Luxembourg…
Taxer Google et les grands conglomérats mondiaux c’est accepter le dumping fiscal de l’Irlande, des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg, pour un plat de lentille, sans accord gagnant-gagnant. C’est l’ancrage de la situation actuelle, un solde de tout compte qui constitue un avantage comparatif décisif pour les grands conglomérats sur les petits, les PME, les challengers.
Le scandale, ce n’est pas que Google ou LVMH ne paient pas leurs impôts en France mais qu’ils aient des avantages décisifs contre toutes les PME, les petits, les agiles qui voudraient leur faire concurrence… Et cet avantage, ils le tirent de la loi et de l’impôt qui protègent, pas même les plus forts, mais les plus gros, au détriment des plus petits qu’ils sont censés protéger et des plus agiles qui sont souvent les plus utiles.
Cette taxe Google est une débauche de décadence politique, diplomatique, économique et journalistique.
Elle mériterait à elle seule la démission de Monsieur Lemaire tant sa position est nuisible aux intérêts aussi bien français qu’européens, à court terme autant qu’au long cours.
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À votre bonne fortune,
Guy de La Fortelle
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Sources :