Même si la France est un pays colbertiste par tradition, avec un Etat plutôt présent, régulateur et interventionniste, on ne l’a jamais vu aussi présent depuis quelques mois et intervenir jusqu’à limiter nos libertés individuelles.
Et ça ne va pas sans rappeler les temps de guerre.
Par exemple, à l’été 1914, quand la France entre en guerre et que les soldats sont mobilisés. Tout le monde anticipe une guerre plutôt courte, l’Etat le premier. Pour soutenir l’effort de guerre et les familles dont l’homme est envoyé au front, l’Etat annonce prendre en charge le paiement du loyer de ses soldats, mais aussi des locataires dits à petits loyers (en fait, rapidement près de 80 % des locataires) et de certains commerçants ou industriels. Pas fou, il décide aussi d’un gel intégral de ces mêmes loyers dans une loi du 5 août 1914.
Au début, puisque la guerre n’est pas censée durer, personne ne conteste le bien-fondé de cette décision. Mais très vite, le moratoire est renouvelé tous les trois mois et les propriétaires ne vont plus percevoir aucun loyer. Cette situation va durer tout le temps de la guerre, soit quatre années.
À la fin de la guerre, quand les Poilus rentrent chez eux victorieux, pour ceux qui ont la chance de revenir, la puissance publique ne revient pas à la situation d’avant-guerre. Le blocage des loyers est maintenu. Les locataires sont pour la plupart, exemptés de ces loyers. Les propriétaires n’ont qu’un moyen de recours devant une Commission où ils peuvent percevoir une indemnité compensatrice d’Etat, leur permettant de récupérer jusqu’à la moitié des recettes perdues. C’est donc l’Etat qui passe à la caisse, en même temps que les propriétaires qui sont obligés d’accuser des pertes. Beaucoup de propriétaires qui étaient des ouvriers ou contremaitres, petits patrons et qui avaient réussi, à force d’économie à acquérir un immeuble pour loger leur famille et toucher, grâce à quelques locataires, un revenu du capital.
Ce n’est qu’en 1948 que les loyers seront débloqués.
Toute cette période de blocage a eu des conséquences néfastes sur le logement français. L’argent a cessé d’affluer vers le logement.
Les ménages français ont consacré beaucoup moins d’argent à payer leur habitation. S’ils y consacraient 15 % à 20 % de leurs revenus en 1914, cette part descend à 2 % en 1948. 2 % du revenu consacré au logement, moins que pour de simples cigarettes pour les fumeurs !
Les propriétaires, qui ont déjà souffert de pertes catastrophiques liées au contrôle des loyers n’ont pas fait les investissements nécessaires puisque ceux-ci ne se seraient pas avérés rentables. Les immeubles se sont donc retrouvés mal entretenus.
Conséquence et début du cercle vicieux : une chute des prix de l’immobilier : de 1913 à 1948, la valeur réelle des immeubles d’habitation a chuté de 90 % dans des villes comme Paris ou Lyon. Et à la clé, une véritable pénurie de logements, puisque aucun acteur privé sensé ne voudrait à ce moment-là construire et louer des logements.
La nouvelle loi de 1948 finira par libérer les loyers et par la même occasion, relancer l’investissement dans la construction et la location. Mais le logement a, pendant tout ce temps, pris 30 ans de retard.
Qu’a cet épisode à voir avec la crise actuelle ? La guerre est différente et les tranchées n’existent plus, fort heureusement. Mais l’Etat, en confinant et arrêtant l’économie, s’est imposé en sauveteur de vies humaines. En contrepartie du blocage de l’économie, il a compensé les pertes de salaires pour ceux qui ne pouvaient plus travailler ou les fins de mois des petites entreprises dont l’activité s’était retrouvée altérée. Peut-être même dans une proportion beaucoup plus grande que ce qui avait été fait il y a un siècle.
À tel point que les effets pervers, eux, pourraient être plus importants. L’idée d’être encore un peu couvées et subventionnées par l’Etat pourrait tenter beaucoup d’entreprises. Sauf que, pendant ce temps-là, faute d’incitation puissante à la survie, les adaptations nécessaires ne se font pas. Automobile, aérien, tourisme… À trop être aidés, les entreprises et les secteurs touchés pourraient à terme ne pas s’en relever.
Aude Kersulec
PS de Guy : L’enfer est pavé de bonnes intentions et les pires désastres ont toujours commencé par de grands espoirs.
Le Grand Reset inventé à Davos et appliqué par Bruxelles et Paris pourrait bien se finir en Grand Bond en Avant chinois (et ses dizaines de millions de morts).
Plutôt que de voir les choses en GRAND, ils feraient bien de commencer par les voir EN FACE.
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Guy de La Fortelle