eToro : les conditions du scandale sont là

05 12 2019
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Mon cher lecteur,
 
Quelle est la différence entre un courtier et un gigolo ?
 
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Le courtier a les actions en bourse alors que le gigolo c’est l’inverse.
 
Quoiqu’il y ait des courtiers qui ont de vraies têtes de gigolos et dont on peut se demander s’ils ont réellement des actions en bourse.
 
 
 
Voilà pour l’humour gras, la suite est triste à pleurer.
 
Je vais vous parler d’ eToro, un des courtiers les plus actifs en Europe, au marketing agressif, aux dettes massives et aux conditions générales extravagantes. Pour être poli.
 
Ces gens ont la classe de Richard Gere, mais pas celui de Pretty Woman, ici c’est
American Gigolo.
 
Oh, eToro a bonne presse et je vais vous expliquer pourquoi. C’est ce qui les rend particulièrement dangereux car derrière le rideau de fumée marketing, la réalité est toute aussi inquiétante que derrière un WeWork ou un Uber.
J’ai travaillé sur eToro dans le cadre de mon dernier dossier d’investissement Risque & Profit : J’aime pas investir, mais ça, j’aime bien.
 
Une fois n’est pas coutume, ce dossier ne traite pas d’une stratégie d’investissement en particulier mais des intermédiaires pour réaliser vos investissements : les courtiers, brokers en anglais.
 
Les courtiers font partie de ces prestataires au métier ingrat dont personne ne parle quand tout va bien mais que l’on regrette d’avoir choisi à la légère lorsque les problèmes surgissent et les faillites tombent, généralement sorties de nulle part… Pour qui n’avait pas lu « les petits caractères ».
 
Et les petits caractères d’eToro me font penser qu’ils sont un candidat sérieux au scandale européen et bientôt planétaire.
 
Comment le pire des courtiers se retrouve aussi bien noté dans les classements.
Au premier abord, un courtier, c’est comme une lessive, ils se ressemblent tous et rendent tous le même service, a priori à faible valeur ajoutée : ils passent vos ordres sur les marchés financiers et administrent vos comptes titres. Ils sont de simples messagers et administrateurs sur les autoroutes virtuelles de l’information.
Vous trouverez d’ailleurs des dizaines de comparatifs de courtiers sur Internet : combien ils coûtent, quels services ils proposent, quelles interfaces…
Pourtant j’ai tout de même fait le mien et en plus, je vous demande de payer pour le recevoir.
 
Oui, je réserve ce travail à mes abonnés car :
  • C’est un travail de chien: la plupart des comparatifs ne regardent même pas les autorités de régulation des courtiers (dois-je préciser que vous n’avez pas du tout le même contrôle lorsque l’autorité est à Chypre, à Paris ou Londres ? Je vous donne un exemple ci-dessous. Qui s’abîme les yeux à vérifier les centaines de pages de conditions générales de ces gens ? Personne ou presque. C’est pourtant le seul endroit où le courtier écrira, généralement mal et en anglais, ce qu’il fait de vos ordres et de vos titres : c’est un travail de fastidieux et long comme un jour sans pain. Jamais je ne l’aurais fait si je n’avais eu des milliers d’abonnés en attente de conseil pour trouver un bon courtier.
 
  • Et encore, s’il n’y en avait qu’un : mais le courtier qu’il vous faut n’est sans doute pas le même que celui de votre voisin ou votre petit neveu. Les comparatifs en ligne sont toujours réalisés par des traders professionnels ou de jeunes loups d’Internet qui baignent dans les nouvelles technologies et iront peser le moindre centime de frais sans jamais se demander si on peut seulement passer un ordre par téléphone, si les titres peuvent être transférés à un autre courtier et à quel prix… ou avoir un support aimable et efficace en français.
 
  • Enfin, les comparatifs en ligne sont généralement des ventes déguisées : la plupart des courtiers ont des programmes d’affiliation. Ils versent des commissions aux intermédiaires qui leur apportent de nouveaux clients… Il est alors très tentant de recommander le courtier qui donne le plus de commissions plutôt que celui qui a le meilleur service.
Et celui qui donne le plus de commissions et de loin… C’est eToro. Tenez, si j’avais mis mes scrupules sous le boisseau et que je vous avais si bien chanté les louanges d’eToro que suivant mon conseil vous aviez ouvert un compte chez eux , ils m’auraient reversé 25 % des frais qu’ils vous facturent… à vie !
 
Mais eToro ne facture presque pas de frais pourriez-vous me répondre… Et la marmotte met le chocolat dans le papier d’alu. Nous y revenons dans un instant : eToro se goinfre littéralement de frais.
 
À ce prix-là, ils ne sont pas nombreux à résister et certains n’hésitent pas à raconter de grosses bêtises faussement sophistiquées et vraiment dangereuses.
 
Recherchons « eToro avis » sur Google.
Une recherche rapide sur Google montre 9 articles positifs sur la première page contre 3 négatifs, seulement. Et sur les 9 positifs, 8 proviennent d’affiliés rémunérés pour vous faire leur publicité. Le 9e est une interview d’un directeur d’eToro sur une webTV tellement grossière que je le suspecte d’avoir payé fort cher son passage…
Car bien évidemment, ces gens n’hésitent pas à faire passer leurs pubs pour des informations ou avis neutres et même négatifs au premier abord :
« 3 choses à savoir ABSOLUMENT ».
« Arnaque ou pas ? ».
« Notre avis sur eToro ».
Ils arrivent d’ailleurs à tromper les algorithmes de Google. Pourtant, derrière ces titres critiques, se cachent des publicités agressives et trompeuses, car tous se gardent bien de déclarer qu’ils sont rémunérés, et grassement, par eToro. Il suffit de voir les liens vers eToro dont ils truffent leurs faux articles : ce sont des liens spéciaux qui permettent d’associer l’apporteur d’affaire au nouveau client afin de verser ces commissions.
 
 
 
Quant aux 3 avis négatifs, vous avez le retour détaillé d’un ancien utilisateur d’eToro qui a été dégouté par les montagnes de frais qu’ils prélèvent, une page d’un site d’avis catastrophique et un article de Capital mal fichu qui leur ferait presque de la pub.
 
Bien sûr, il y a plein de mauvais courtiers en activité mais avec eToro vous avez le contre-exemple presque parfait de tout ce qu’il ne faut SURTOUT pas faire et un candidat idéal à un scandale du type WeWork.
 
Ce n’est pas la même taille mais c’est le même principe. Et les mêmes causes produisent les mêmes effets…
 
La fausse bonne idée du trading social
Époque oblige, il y a chez eToro la même idée sous-jacente que chez Uber ou WeWork.
 
Prenez un secteur sinistré à faible valeur ajoutée (le courtage), appliquez-lui une couche de vernis technologique et voilà une start-up révolutionnaire valorisée un milliard de dollars sans avoir jamais dégagé un profit, ce que l’on appelle une licorne, c’est merveilleux.
 
Nous avons déjà eu les taxis avec Uber, la régie de bureau avec WeWork, nous avions succinctement eu le ménage avec HomeJoy et maintenant le courtier en ligne avec eToro et j’en passe et des meilleurs.
 
En effet, eToro prétend être bien plus qu’un courtier, ils se présentent comme LE réseau social des investisseurs.
 
Et réseau social, c’est BEAUCOUP mieux que courtier ! eToro est comme Facebook, c’est le LinkedIn des investisseurs et traders : ils sont une licorne valorisée 1 milliard de dollars…
 
Alors que courtier… Vous comprenez, il y a une telle concurrence entre les courtiers qu’il est difficile de prélever beaucoup de frais, cela fait longtemps que le secteur a été « uberisé » alors ces entreprises ne valent pas tripette.
 
Si l’on évaluait eToro selon les mêmes critères que n’importe quel autre courtier, ils vaudraient 20 fois.
 
Et ce jour viendra, et sans doute plus vite que prévu, où l’on se rendra compte qu’ils ne sont finalement qu’un courtier, et mauvais qui plus est. Ce jour-là, vous ne voulez pas être client chez eToro.
 
Le trading social selon eToro : des super commerciaux pour générer un maximum de frais
Le trading social ou copy trading consiste à copier (automatiquement) les investissements de traders expérimentés et populaires regroupé sur le réseau eToro.
Ainsi vous n’avez pas besoin d’être un génie de l’investissement pour réussir, il vous suffit de copier automatiquement les meilleurs investisseurs contre une commission bien justifiée pour ces traders hors pairs.
 
eToro n’a pas du tout inventé le concept qui est d’ailleurs une idée intéressante. Le problème, c’est leur manière de l’appliquer…
 
Vous avez affaire à des super commerciaux, pas des gestionnaires intéressés à votre réussite :
  • D’abord, les traders ne sont pas incités à vous faire gagner de l’argent mais à faire gagner de l’argent à eToro. Ils sont uniquement rémunérés sur les encours qui copient leur portefeuille (et qui génèrent des commissions pour eToro) et non selon vos résultats : Jusqu’à 2 % de commission par an pour les traders les plus populaires + 1 000€ de fixe par mois, à la fin, ils sortent de votre poche !
 
  • De plus les performances affichées sont trompeuses: elles sont présentées hors frais (notamment les 2 % pour les traders, que leur portefeuille monte ou baisse), et sont opaques ;
 
  • Comme au casino, le trader peut doubler sa mise… Mais pas vous ! Si un trader fait un mauvais mois, il peut ajouter des fonds à son compte pour se rattraper tandis que la totalité de la somme que vous avez allouée à ce trader est déjà investie (eToro ne vous demandera pas d’ajouter des fonds). Et vos résultats ne seront plus du tout les mêmes que ceux de votre trader !
    Si votre trader a fait un mauvais investissement, il sera tenté de doubler la mise pour se rattraper et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ait un investissement gagnant qui compensera toutes ses pertes précédentes, tandis que vous aurez des résultats très différents car vous n’aurez pas remis au pot (vous ne serez même pas au courant). Bien sûr, cela ne marche qu’avec de petits montants…  or les portefeuilles à copier d’eToro sont exprimés en pourcentages et non en volume. Vous ne savez pas combien un trader investit réellement sur sa stratégie… Les montants sont sans doute bien plus faibles que vous n’imaginez.

    Je suspecte le 2e trader le plus suivi d’eToro de travailler exactement comme cela (le premier est plus sain mais sa stratégie génère un maximum de frais dont vus ne vous rendez-compte qu’au moment de retirer vos fonds).
 
  • Ajoutez enfin que les traders ont intérêt à prendre beaucoup de risques avec de petites sommes jusqu’au jour où la chance leur sourit le temps d’attirer des copieurs et d’engranger un maximum de commissions jusqu’à ce que la chance tourne… Mais sans les commissions, JAMAIS ils n’investiraient leur propre argent de la sorte.
eToro a réussi à détourner le copy trading qui est au départ une bonne idée mais qu’ils ont transformé en machine à commissions opérée par des super commerciaux se faisant passer pour des traders.
 
Cela ne signifie pas que vous ne gagnerez jamais d’argent avec eToro, mais à moins d’être vous-même expert et de savoir déceler les manipulations de portefeuille vos risques sont bien plus importants que ce que les chiffres laissent supposer.
 
Des frais délirants
Bien évidemment, eToro insiste sur les frais qu’ils ne prélèvent pas et oublient tous ceux avec lesquels ils vous matraquent.
 
eToro ne prendra pas de frais lors de l’achat ou la vente d’actions (ils se rémunèrent autrement avec vos actions comme vous allez voir) mais :
  • prélèvera des frais de changes (2,5%),
  • des frais d’inactivité (10€ par mois),
  • des frais de retraits (25€)…
Et s’ils ne prennent pas de commission sur les actions, ils en prennent en revanche énormément sur les CFD (plus de 6% annuel dans certains cas) qui sont un produit dérivé qui copie le mouvement des actions (entre autres) et ils font tout pour vous faire confondre actions et CFD.
 
Au final derrière un produit d’appel sans frais se cache une forêt de frais cachés très inhabituelle chez un courtier.
  
Des conditions INTERDITES par l’AMF !
Nous avons donc un courtier populaire grâce à un marketing agressif et dispendieux qui, en prétendant révolutionner le courtage, a surtout monté une usine à frais et commissions.
 
Vous vouliez gagnez plus avec l’aide de traders expérimentés mais vous vous retrouvez à payer plus avec des super commerciaux.
ET CE N’EST PAS LE PIRE.
 
Nous n’avons pas encoe touché le fond : les conditions générales d’eToro sont indignes.
 
eToro Europe a obtenu sa licence de courtier à Chypre, c’est-à-dire dans une pochette surprise, et est donc soumis à la règlementation chypriote ce qui leur permet de faire n’importe quoi. Et comme Chypre fait partie de la Zone Euro, ils bénéficient d’un « passeport » pour exercer partout en Europe.
N’importe quoi ?
  • Art. 9 : Chez eToro, vous n’avez pas de compte titres dédié, vos actifs sont mélangés avec ceux de tous les autres clients dans un « compte omnibus » géré par eToro. C’est INTERDIT par l’AMF en France: chaque client doit avoir son compte à lui…  Mais pas chez eToro. Au Royaume-Uni, eToro a été obligé de déléguer la gestion des comptes à un tiers de confiance (custodian) ;
 
  • Art.7 : Chez eToro, on ne passe pas vos ordres automatiquement, on les agrège avec d’autres ordres de clients d’eToro. Vous voulez acheter une action Apple ? Justement un autre client d’eToro souhaite en vendre une presque au même moment presque au même prix. Plutôt que de passer 2 ordres, eToro se permet de simplement de transférer l’action dans sa comptabilité interne, ils économisent des frais et l’un des deux clients se fait flouer. C’est également interdit par l’AMF (de toute manière, cela ne marche qu’avec un compte omnibus). Je vous laisse imaginer le genre de pratiques déviantes qui sont permises avec cette façon de retenir les ordres ;
 
  • Art. 13 : eToro se permet de « louer» vos titres à qui ils veulent, y compris à eux-mêmes sans qu’il ne soit exigé que la contrepartie conserve le titre, ils peuvent même le louer à leur tour indéfiniment. Cette pratique de « location » de titre est habituelle chez les courtiers, mais pas de manière si négligente. En cas de problème, vous pourriez bien vous rendre compte que vous n’avez jamais eu les actions que vous pensiez détenir et pour lesquelles vous aviez payé !
Cette dernière clause permet par exemple à eToro de se prêter vos titres à elle-même en cas de difficultés financières, de les vendre afin de dégager du cash et d’espérer se refaire avant que vous ne vouliez vous-même vendre vos titres sans même savoir qu’ils ne sont plus à vous.
 
Voilà le genre de chose qu’eToro peut légalement faire en étant à Chypre.
C’est un conflit d’intérêt monstrueux et c’est pour cela qu’à Londres, ils ont obligé eToro à déléguer la gestion des titres à un tiers de confiance (bien entendu, en tant que résident français, vous ne pouvez pas ouvrir un compte dans la filiale anglaise d’eToro).
 
Bien sûr, personne ne souhaite que cela se finisse comme cela… Mais eToro est une entreprise très endettée à un moment où la conjoncture se dégrade.
 
Une dette monstrueuse et des actionnaires fragiles au pire moment
eToro dépense énormément en publicité et de manière parfois aveugle. En faisant mes recherches en ligne j’ai été repéré par les robots publicitaires et cela fait 2 semaines que je suis bombardé de publicités ciblées pour eToro… alors que j’ai déjà un compte de démonstration chez eux depuis plus d’un an (ils pourraient le savoir facilement).
 
Ils ont même fait des partenariats avec le journal Les Echos, ainsi que des people (joueur de tennis, star de télé réalité) qui ont dû demander de jolies sommes pour s’asseoir sur leurs principes.
 
Il faut également rémunérer les affiliés, les traders qui se font copier, se développer à l’international, aux États-Unis et en Asie en même temps, racheter des concurrents… Bref, depuis 12 ans, la start-up ne fait que perdre de l’argent et sans doute de plus en plus vite.
 
Mais comme ils ne publient aucune information…C’est le noir complet.
Or eToro a déjà levé plus de 160 millions d’euros de dette sociale, dont 100 millions en 2018, notamment auprès d’une filiale de Soft Bank, mise en déroute par le scandale WeWork, une société financière chinoise douteuse et Commerz Bank, une banque zombie allemande qui ne va pas tellement mieux que l’innommable Deutsche Bank.
 
Depuis 18 mois la situation a bien changé.
 
Avec des actionnaires en pareille difficulté et de telles sommes investies les nuages s’amoncellent sur eToro qui voit le sésame d’une introduction en bourse s’évanouir depuis la chute de WeWork.
 
Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’ils feront faillite mais le cocktail d’eToro est explosif et même s’ils parviennnent à traverser la période compliquée qui s’annonce pour eux, il ne fait pas bon être client chez eux : entre la dette sociale, le marketing intensif et les commissions aux affiliés et traders, eToro DOIT de toute manière prélever des frais gigantesques à ses clients : FUYEZ.
 
Comment choisir votre courtier
Vous voyez bien avec eToro que les apparences sont trompeuses.
Un courtier, en apparence sérieux, se révèle après un examen minutieux être une bombe à retardement et une usine à frais.
 
Bien sûr, des zozos aussi indignes et massifs qu’eToro, cela ne court pas les rues. Il existe en revanche toute la palette des variations intermédiaires : les rois des frais cachés, ceux qui font n’importe quoi avec vos titres, les fragiles, les trop marketing pour être sérieux
 
Avec eToro vous avez toute la panoplie des pratiques à fuir. Cela vous sera déjà utile.
 
Comme je vous disais au début de cette lettre, dans la dernière édition de Risque & Profit, nous avons travaillé à un comparatif complet des courtiers :
  • Grande banque ou courtier en ligne ;
  • Classique ou fintech ;
  • Intuitif ou complet ;
  • Bon marché ou services étendus,
  • Français ou européen
C’est le document de référence pour tous ceux qui veulent enfin comprendre le monde méconnu et pourtant si important des courtiers et choisir le leur en toute sérénité afin d’investir sur vos deux oreilles.
 
C’est pour cela que j’ai appelé ce dossier « J’aime pas la finance, mais ça j’aime bien » : avec le bon intermédiaire, tout est plus facile, plus serein.
 
 

 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle


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