La souveraineté, combien de tonnes de CO2 ?

26 01 2020
Partager l'article

 
Mon cher lecteur,
  
Nous nous sommes lancés dans l’énergie nucléaire pour réduire notre dépendance énergétique.
 
La géopolitique de l’énergie est bien trop souvent occultée et notre dépendance à l’Arabie Saoudite pour le pétrole, au Qatar pour la gaz et à la Russie pour les deux est à toute aussi préoccupante que les enjeux environnementaux.
 
Tenez, l’Allemagne a besoin de 20% de charbon dans son mix énergétique pour combler l’intermittence de sa production renouvelable (les Allemands ne sont pas encore prêts à se chauffer uniquement quand il y a du soleil ou du vent).
 
20% de l’énergie allemande provient encore du charbon !
 
C’est tout de même un comble dans un pays qui adule Greta Thunberg.
 
Justement.
 
C’est pour cela que l’Allemagne fait un lobbying intense pour la construction d’un gazoduc entre l’Europe et la Russie, le Nordstream 2.
 
Et pourquoi pas ?
 
Le gaz naturel est une alternaive moins polluante.
 
Une fois que l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder aura réussi à dérouler son immense gazoduc entre la Russie et l’Europe, la Russie nous tiendra un peu plus dans sa main et pourra nous faire un chantage à l’énergie comme à l’Ukraine.
 
Pourquoi croyez-vous que les pays les plus farouchement contre le projet sont des pays d’ex-URSS…
 
Pour faire entendre sa voix, encore faut-il en avoir une.
Le risque nucléaire est-il plus grand ou plus faible que celui du charbon ? Faut-il préférer le gaz d’un partenaire ambigu, éventuellement hostile ?
 
La souveraineté, ça vaut combien de tonnes d’émissions polluantes ?
 
Ne répondez pas tout de suite zéro, car une fois sous la coupe de pays comme la Russie, le Qatar ou l’Arabie saoudite, je ne suis pas sûr que nous deviendrons des exemples de respect de l’environnement.
 
L’Allemagne doit-elle troquer ses 20% de charbon en support des renouvelables intermittents contre 20% de gaz russe moins polluant et se mettre cet immense fil russe à la patte ?
 
Même les panneaux solaires… Ils viennent en immense majorité de Chine qui en plus de les fabriquer moins cher contrôle l’essentiel des terres rares nécessaires à leur fabrication (durée de vie d’un panneau solaire : 30 ans, d’après les constructeurs…)… Encore une source de dépendance.
 
Quand je compare les situations respectives de l’Allemagne et de la France, je n’arrive pas à me dire que nous avons fait le mauvais choix et que les Allemands se débrouillent mieux que nous pour l’énergie. Malgré tous les problèmes que pose le nucléaire, je n’arrive pas à envier les Allemands.
 
Est-ce que cela veut dire que nous avons raison et les Allemands tords ?
 
Pas du tout.
 
C’est un choix souverain, d’un pays qui a ses enjeux, son histoire, sa sensibilité…
 
S’ils l’ont fait c’est qu’ils devaient avoir leurs raisons.
 
 
L’expérience avant l’intelligence
 
Je n’ai pas la moindre idée du « bon » mix énergétique pour la planète et je prétends que personne ne peut savoir.
 
En revanche, les Allemands font des choix pour eux-mêmes, les Français font les leurs ainsi que les Américains, les Chinois et tous les peuples bénéficiant de leur souveraineté.
 
Et ça c’est très important, car c’est une manière de privatiser les risques et mutualiser les bénéfices… C’est-à-dire tout le contraire de ce qui se passe aujourd’hui.
 
Nous n’avons peut-être pas assez investi dans les renouvelables et nous en mordrons les doigts ou alors ce sont les Allemands qui n’auraient pas dû arrêter le nucléaire.
 
Ce qui est sûr, c’est que celui d’entre-nous qui se sera trompé pourra se rattraper en important l’énergie du voisin le temps d’adapter sa stratégie.
 
Cela n’aurait jamais été possible si un comité d’experts à Bruxelles avait imposé une stratégie unique.
 
Je dis bien unique qui est un mot très différent de commun.
 
Nous avons beaucoup de choses à faire en commun avec l’Allemagne mais très peu si ce n’est aucune de manière unique.
 
Sans être pro- ou anti- nucléaire, c’est cette vision de l’énergie qui me fait penser que le nucléaire a un rôle plus important à jouer qu’actuellement admis.
 
Des pays comme la Chine se rendent comptent que le nucléaire est sous-valorisé et ses risques sur-estimés, pas dans l’absolu mais par rapport aux autres sources d’énergie.
 
Nous sommes bien plus effrayés par la perspective d’un désenfouissement de nos déchets nucléaires qui ferait hypothétiquement un million de morts dans 100 000 ans… que le même million de morts que le charbon cause chaque année en Chine en ce moment même.
 
Les bons sentiments ne font pas de bonnes politiques.
 
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle


Partager l'article