« Le communisme ça marche, il suffisait de le privatiser »

02 12 2019
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Cet article a été publié initialement en juin 2019
 
Mon cher lecteur,
 
Voici une magnifique manipulation intellectuelle, une inversion si grossière qu’elle en serait douteuse. Et cette inversion est immédiatement suivie d’un coup d’État qui ne dit pas son nom.
 
Mais nous vivons une époque pleine d’audace dans l’outrage.
 
En avril dernier s’est tenu la conférence du Réseau des Banques Centrales et Organes de Supervision pour Verdir le Système Financier (Conference of the Central Banks and Supervisors Network for Greening the Financial System).
 
Ne riez pas, il ne s’agit pas d’une mauvaise blague, ni d’un rassemblement d’humoristes taquins. Il y a des gens très sérieux, très diplomés et très costume 3-pièces qui veulent « verdire le système financier ». Cela en dit déjà long.
 
À la suite de cette grande conférence, le réseau a publié la semaine dernière son premier rapport détaillé : « Un appel à l’action ».
 
Ce rapport est fondamental car il redéfinit l’action des banques centrales en profondeur. 
 
Peu importe qu’il ait été rédigé par une sorte de comité théodule à la bien-pensance dégoulinante : il lève le voile sur l’évolution en cours des politiques monétaires, il fait aparaître ce qu’il justifie à l’avance.
 
Selon les auteurs, les risques climatiques sont une menace pour la stabilité du système financier.
 
Il convient donc de mieux les mesurer et mieux s’en protéger.
 

La grande inversion

Si vous avez lu les deux dernières phrases sans tiquer, c’est foutu.
 
Toute la suite est cohérente et découle de cette première inversion qui vous est servie telle une évidence.
 
Les risques climatiques sont une menace pour la stabilité du système financier ?
 
Non, c’est l’inverse. Et c’est l’éléphant dans la pièce.
 
La stabilité du système financier est une menace pour l’environnement.
 
Comme le notait le rapport annuel de la Banque des Règlement Internationaux dès 2012, les mesures prises par les banques centrales pour sauver le système financier empêchent nos économies de se réformer. À ce moment, les auteurs de la BRI ne pensaient certainement pas aux problèmes environnementaux mais c’est bien le même mécanisme à l’oeuvre.
 
Les banques centrales sont réactionnaires : elles travaillent à conserver l’ordre établi au lieu de laisser nos économies se réformer.
 
Et c’est la vieille dame très policée qu’est la BRI qui le dit encore en 2012 (en 2019, elle tient mieux sa langue).
 
Si l’État, les entreprises et les particuliers n’avaient pus s’endetter aussi massivement depuis 2008, nous aurions bien été obligés de réduire nos trains de vie pour mieux les réinventer et cela aurait été incroyablement plus efficace que toutes les politiques écologiques du monde.
 
Bien sûr cela aurait été violent, difficile, dangereux… Mais les mesures de nos banquiers n’ont rien réglées, elles n’ont fait que repousser l’échéance au prix d’une amplification terrible.
 
D’ailleurs les grands perdants de la mondialisation, les gilets jaunes qui poussent leurs vieilles voitures jusqu’à l’épuisement, qui roulent à 110 sur l’autoroute pour économiser sur l’essence et réfléchissent toujours à deux fois avant de prendre leur voiture, polluent bien moins que le cadre qui roule en grosse Tesla et change de voiture tous les 3 à 5 ans.
 
Pourtant c’est la Tesla qui bénéficie des aides de l’État, pas la vieille guimbarde.
 
Pourtant seul l’argent gratuit des banques centrales a permis de dilapider tant de ressources dans un projet aussi absurde que Tesla : quand bien même vous arriviez à équiper la planète entière en voitures, camions et bus élecriques… Quand bien même vos batteries ne poseraient pas un plus grand problème encore que les moteurs thermiques, à quoi cela peut-il bien servir quand la majorité de l’électricité mondiale est produite à partir du charbon ?
 
Une Tesla en Chine roule au charbon et ils subventionnent ça !
 
La Chine est de très loin le plus gros pollueur de la planète et une seule entreprise serait responsable de près de 15% de nos émissions de gaz à effet de serre mondiales. Il s’agit du  China National Coal Group, le premier producteur de charbon au monde.
 
En Chine, le charbon sert à fabriquer l’électricité. Sa consommation avait enfin commencé à diminué en 2017, mais elle reprend de plus belle : les Chinois ne savent pas s’en passer.
 
Et ce n’est que grâce aux banques centrales qui nous permettent de vivre à crédit depuis 2008 que nous continuons à acheter des kilotonnes de produits chinois jetables, de mauvaise qualité mais bon marché grâce au charbon.
 
Qu’importe, les banques centrales ont décidé que la stabilité financière, qui vous appauvrit à petit feu, était plus importante que l’environnement, plus importante que la cohésion sociale.
 
Notez bien que cela marche avec tout : la « stabilité financière » passe avant l’environnement, avant la paix sociale, avant le financement des retraites, avant la démocratie, avant la souveraineté…
 
Mais cela n’empêche pas nos banquiers de vouloir agir pour le climat et à force de bons sentiments, ils nous pavent un enfer aseptisé.
 

Le coup d’État en costume 3-pièces 

C’est un changement FONDAMENTAL, les banques centrales abandonnent le dernier soupçon de neutralité dont elles pouvaient encore se prévaloir.
 
Elles ont largement abandonné leur neutralité après 2008 par leur interventionnisme massif et inédit : jamais des banques centrales n’avaient racheté d’actif financier, jamais elles n’avaient osé transférer le risque dans leur compte à elles, c’est-à-dire au niveau de la monnaie même, c’est-à-dire à vous in fine.
 
Mais au moins, elles rachetaient des actifs aveuglément, elles ne faisaient pas le tri entre les États ou les grandes entreprises dont elles rachetaient les actifs, elles arrosaient tout le monde de la même manière, limitant ainsi les distorsions.
 
Mais demain, en intégrant ces critères environnementaux, elles vont se mettre à faire de la politique industrielle, de la plannification, de la subvention détournée. 
 
Ces banquiers non-élus, sans aucun contrôle, qui ne rendent de comptes à personne, vont finir de récupérer le pouvoir pour eux-mêmes et les intérêts qu’il servent.
 
Et il est au mieux douteux qu’ils servent l’intérêt général.
 
Ce n’est surtout pas à eux de s’occuper de politique ! Les États ont tous les moyens à disposition pour taxer ou interdire les entreprises qu’ils jugent polluantes… 
 
Ah, mais ce pouvoir est en train de leur être enlevé, au prétexte que la taxe ou la subvention sont des distorsions de concurrence.
 
Voilà que tout s’explique, il ne s’agit pas d’abandonner mais de transférer la souveraineté des États vers les banquiers… 
 
Faut-il rappeler que la Banque de France, créée sous Napoléon était une banque privée qui représentait les intérêts de ses actionnaires. Napoléon avait monnayé le nom de la France et une somme de privilèges exhorbitants contre une majorité de parts pour lui et sa famille… C’est une sorte de retour aux sources.
 
L’Europe est en train de choisir ses chefs pour les 5 prochaines années : président de la Commission, du Parlement, de l’Union et chef de la diplomatie… Le mandat de Mario Draghi à la BCE touche à sa fin, pourtant ils se gardent bien d’inclure ce poste hautement stratégique dans le renouvellement actuel des mandats censé représenter les résultats des élections européennes.
 
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle


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