Le Dollar, c’est notre monnaie… mais plus votre problème

25 10 2019
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Mon cher lecteur,
 
Que diriez-vous si nous nous retrouvions à New York à la sortie de l’aéroport. 
 
J’ai 20$ dans ma poche et vous 20€.
 
Vous voulez prendre un taxi mais vous n’avez pas de dollar
 
Je pourrais vous échanger mes 20$ contre vos 20€ mais je vais peut-être aussi avoir besoin de mes 20$ alors que je n’ai pas vraiment d’utilité pour vos euros.
 
Tout de même, je voudrais vous aider. Je vais voir le chauffeur de taxi et je le convaincs de prendre votre billet de 20€. Il croisera rapidement quelqu’un qui aura besoin d’euros et à qui il pourra changer ses euros, plus une petite commission. Tout le monde est gagnant et et nous aurons évité une opération de change. Comme le chauffeur est sceptique, je lui garantis que s’il n’arrive pas à écouler son billet de 20€, je le lui échangerai contre mes dollars.
 
Nous venons de réaliser ce que l’on appelle dans le jargon financier un swap de change, le plus populaire des produits dérivés, et je viens par là-même de créer des dollars puisque le chauffeur de taxi a accepté un billet de 20€ comme s’ils étaient des dollars grâce à l’assurance que je lui ai donné de changer ses euros en dollars en cas de problème.
 
Je viens bien de créer des dollars car le chauffeur a accepté des euros et moi j’ai toujours mes 20$ dans la poche et je suis libre de les dépenser pour aller au cinéma. 
 
Bien sûr je ne devrais pas faire ça… Mais il y si peu de chance que mon chauffeur de taxi n’arrive pas à refourguer son billet de 20€. Et puis je n’aurais qu’à en tirer un autre. Ce n’est pas très grave.
 
Ce n’est pas très grave… Tant que cela reste anecdotique.
 
Mais, je vois bien que vous n’êtes pas seul à sortir de l’aéroport en manque de dollars pour votre taxi… Bien sûr, il y a les bureaux de change mais les commssions sont prohibitives. Grâce à mon petit système, je pourrais éviter à des centaines de passagers chaque jour de payer des frais de change, il suffit que j’assure leurs euros avec un swap de change contre une commission 10 fois inférieure à celle des changeurs : pensez-donc, je n’ai pas besoin de faire transiter des monnaies du monde entier dans ma caisse et de prendre des risques de change importants, tout ce dont j’ai besoin est d’avoir quelques dollars dans ma poche en garantie.
 
Alors je viens m’installer chaque jour à la sortie de l’aéroport avec mon petit banc, banca en italien, je viens de créer de facto une banque.
 
En voilà une affaire florissante !
 
Elle grossit tellement vite que j’ai besoin d’emprunter de l’argent pour servir de garantie. J’emprunte à 5 %.
 
Pour que cela soit rentable, il faut que mes commissions me rapportent plus que 5% par an (tout en restant bien moins cher que les changeurs). Je me suis rendu compte que seul un taxi sur 5 venait effectivement faire jouer ma garantie. Cela signifie que mon argent peut en garantir jusqu’à 5 fois plus : avec un billet de 20$, je vais garantir 100$ de courses en taxis et multiplier par 5 mes commissions.
 
Mon affaire devient extraordinairement florissante et je me mets à garantir toute sorte de transactions pour toute sorte de clients.
 
J’emprunte de l’argent que je fais travailler intensément grâce à mon effet de levier, à tel point que les gens commencent à s’échanger mes garanties comme si elles étaient des dollars.
 
Mais elles ne sont pas des dollars, simplement des ersatz, elles sont au mieux des « cinquièmes de dollars ». Je suis devenu un énorme créateur de dollars, enfin pour être plus précis, de faux dollars.
 
Tant que personne n’active ma garantie, ou suffisamment peu de monde en tout cas, tout va bien… Mais le jour où vient une crise, dans un an, cinq ou dix… Les échanges s’effondrent, les flux s’arrêtent. Plus personne ne veut d’euros à New York, tout le monde veut ses dollars pour survivre et tout le monde vient me voir avec mes garanties en main. Et que croyez vous qu’il se passe ? 
 
Je pourrais faire faillite, mais cela va toucher quantité de gens qui seront ruinés à cause de moi.
 
Je suis devenu too big to fail, et cela m’arrange bien.
 
Alors la Fed amércaine me prête directement les dollars pour passer la crise.
 
J’arrête, bien entendu, mes opérations de swap de change, je deviens en tout cas bien plus restrictif et j’augmente mes commissions.
 
Et cela pose des problèmes extraordinaires à mes partenaires européens qui avaient pris l’habitude de payer leurs contrats en dollars avec mes swap de change. c’était si commode !
 
Or le dollar est la monnaie mondiale, celle avec laquelle se font tous les échanges.
 
Le vide que je crée est littéralement catastrophique pour mes clients européens, et surtout leurs banques, qui ne peuvent plus opérer sur les marchés mondiaux. Et cette crise est bien plus importante encore que la première. 
 
La banque centrale européenne peut bien imprimer des euros (et elle le fait), qu’importe, c’est de dollars dont nous avons besoin.
 
Et ces dollars, seules les banques américaines et la fed peuvent les fournir.
 
Après 2008, les banques européennes sont devenues dépendantes au dollar et de là s’est construit une relation d’allégeance entre le système financier européen et le système américain.
 
Ainsi, la semaine du 25 septembre, la Fed a envoyé près d’un milliard de dollars à la BCE pour renflouer les banques européennes en dollars. C’était près de 900 millions la semaine du 28 août.
 
Depuis 2010, les opérations de swap en dollar de la Fed vers la BCE s’élèvent à plus de 500 milliards de dollars. Et ce n’est que la Fed, il faut ajouter à cela les banques commerciales américaines, plus l’effet de levier opéré par les banques sur les fonds reçus, c’est colossal !
 
En 1971, le secrétaire au Trésor américain, John Connally déclara : le Dollar c’est notre monnaie mais votre problème.
 
Aujourd’hui, il aurait pu dire,  le dollar c’est notre monnaie et ce n’est plus votre problème, c’est votre allégeance.
 
Personne ne peut comprendre les relations entre l’Europe et les États-Unis sans cette allégeance de fait.
 
À chaque instant, les États-Unis peuvent couler nos banques. Il leur suffit d’appuyer sur le bouton de cette bombe nucléaire financière.
 
C’est une nouvelle sorte de guerre froide, c’est la guerre froide financière.
 
Dans le pays de de Gaulle, est-ce vraiment de cette Europe-là dont nous voulons ?
 
Bien sûr de cela, personne ne parle. Faites suivre ce message, partagez-le sur les réseaux. Je peux faire le travail mais j’ai besoinde votre aide pour le diffuser. Ce n’est pas TFI ou France Inter qui vont relayer cela. Personne ne doit ignorer que la BCE dépend de la Fed pour lui fournir ses dollars et c’est la seule banque centrale dans ce cas !
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle
 
PS — source pour les opérations de swap entre la Fed et la BCE : https://apps.newyorkfed.org/markets/autorates/fxswaps-search-result-page?SHOWMORE=TRUE
 

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