L’Italie est-elle souveraine ?

04 09 2018
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L’Italie est-elle souveraine ?
 
Qu’en dites-vous ?
 
Et si l’Italie ne l’est pas, qu’en est-il de la France ? De l’Irlande, de la Grèce ?
 
En août 2011, Jean-Claude Trichet et Mario Draghi —ex-président et président de la BCE— envoyèrent une lettre confidentielle à Silvio Berlusconi, alors président du Conseil italien. [1]
 
Ils exigent de la part du gouvernement italien une « inflexible détermination à honorer leur propre signature souveraine individuelle ».
 
Ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement. De nos jours, c’est généralement la contraposée qui se vérifie : Les discours embrouillés noient le poisson.
 
Pourquoi ce triple pléonasme de la part de la BCE ? Une signature est toujours souveraine, propre et individuelle. Ou alors elle n’est pas valable à moins que la personne, physique ou morale, ne soit sous tutelle.
 
Justement, exiger de l’Italie le respect indéfectible de sa signature… C’est déjà la mettre sous tutelle [2]. Et la BCE n’a aucune légitimité : elle n’a pas le droit de mettre l’Italie sous tutelle.
 
C’est un grand classique de la manipulation : affirmez le contraire de ce que vous faites réellement… et insistez bien.
 
MM Trichet et Draghi prétendent simplement rappeler ses engagements à l’Italie, dans un esprit de bienveillante collaboration. Ils font d’ailleurs tout leur possible pour aider en proposant leurs conseils. Et ces conseils les voici, tels quels :
 
  • « Libéralisation complète des services publics locaux… grâce à des privatisations à grande échelle. »
 
  • « Réforme du système de négociations salariales par branches afin de permettre des négociations salariale et des conditions de travail adaptées au niveau de chaque entreprise » — tiens, cela ne rappelle-t-il pas certaine loi travail française…
 
  • Refonte complète de l’assurance chômage afin de permettre « la ré-allocation des ressources vers les secteurs et entreprises les plus compétitives » — la comparaison avec l’agenda des réformes françaises est troublant et au passage, il est toujours aussi élégant de traiter les salariés comme des sacs de charbon.
 
  • Baisse des déficits grâce à un effort supplémentaire sur les retraites et le coût des fonctionnaires (ils envisagent même des baisses de salaires). — On croirait lire le programme d’Emmanuel Macron.

 

  • Les perles s’enfilent encore en collier avec clauses de réductions automatiques de déficit, mise au pas des finances locales etc… tout un programme vous dis-je.
 
MM Draghi et Trichet ne s’arrêtent pas là. Ils ont également l’obligeance de prodiguer leurs conseils sur la forme :
 
«Nous considérons comme crucial que toutes les actions listées soient prisent au plus vite par décrets-lois, suivis de la ratification par le parlement d’ici la fin du mois de septembre (nous sommes en août !!). Une réforme constitutionnelle pour resserrer les règles fiscales serait aussi nécessaire.»
 
Vous voyez quelle autonomie ils confèrent au parlement italien… Notez également qu’ils ont eu leur réforme constitutionnelle !
 
Cette feuille de route précise et autoritaire a eu la peau de Berlusconi, Prodi et Renzi… Aura-t-elle celle de Macron ? Comment croire que l’agenda serait différent pour la France : Draghi est un ancien de chez Goldman Sachs, Macron a fait ses armes chez Rothschild.
 
Mais ces réformes sont peut-être bonnes me direz-vous ?
 
Cela fait 7 ans que l’Italie les applique. Les budgets sont bien mieux tenus qu’en France. La dette a été bien restructurée et est largement détenue par les Italiens eux-mêmes qui se sont considérablement appauvris au passage et ne sont pas contents. Et qui d’autres qu’eux devraient juger de leur propre sort ?
 
Après tout, les Italiens sont aujourd’hui moins riches qu’en 1999, juste avant l’Euro, et incroyablement plus endettés : leurs revenus en euros constants ont baissé (contre une augmentation de 15% pour les Allemands), leur épargne surtout a été divisée par 4 et les services publics se sont effondrés — le pont de Gènes n’en est qu’une dramatique illustration.
 
C’est un fait l’Euro et l’Europe ont rendu les Italiens bien plus pauvres (et les Grecs, et les Espagnols…). Et les Allemands beaucoup plus riches.
 
Aujourd’hui, c’est au tour Conte et Salvini qui ont justement été élus pour mettre un terme à cette tutelle sur un programme diamétralement opposé à la doxa des banquiers.
 
Alors, l’Italie est-elle souveraine ? C’est ce que nous allons voir dans les prochaines semaines.
 
Jusqu’à présent AUCUN pays n’a tenu le choc face à la BCE.
 
Une autre lettre secrète montre leur pouvoir, elle date de 2010 et vient du ministre des finances irlandais, Brian Lenihan. Alors que la BCE a commencé son chantage, Monsieur Lenihan se plaint à Jean-Claude Trichet qu’« il est absolument évident que les conditions financières difficiles sont encore dégradées par les commentaires de grandes personnalités européennes ». Les annexes au courrier montrent que ces personnalités sont… Jean-Claude Trichet lui-même, ainsi qu’Angela Merket et Wolfgan Schaüble.
 
C’est vous dire le pouvoir de la BCE — et de l’Allemagne— de souffler le chaud et le froid sur les marchés par leurs simples « commentaires ».
 
C’est exactement ce qu’ils sont en train de faire avec l’Italie.
 
Et c’est un problème car la BCE, c’est le pouvoir des banques. Et les banques européennes sont le maillon faible de l’Europe.
 
On a oublié à quel point les banques européennes étaient exposées à la crise des subprimes en 2008, comment elles ont été sauvées in extremis et à un coût hallucinant par la Fed qui a été obligée de mettre les grandes banques européennes sous perfusion massive de dollars. Et ce n’était pas de la charité.
 
Aujourd’hui les banques européennes ne sont pas en meilleure posture. Elles dépendent intimement de la Fed et des États-Unis pour leur financement en dollars.
 
Alors la BCE qui met sous tutelle les gouvernements européens, ce n’est pas seulement la souveraineté de l’Italie, c’est la souveraineté de l’Europe toute entière qui est remise en question.
 
Et certes l’Allemagne a une place prédominante en Europe aujourd’hui, mais l’Allemagne est également la plus exposée au risque bancaire (merci Deutsche Bank) et dépendante des Américains.
 
Tous les ingrédients sont réunis pour une nouvellle crise souveraine en Europe. Et à vraie dire, cette crise est nécessaire pour décider enfin l’Europe que nous voulons… Ou tout du moins celle que nous avons le courage de défendre.
 
Dans tous les cas, il est prudent de s’assurer contre un risque Euro : or physique, Dollar US, Bitcoin (1%)… Ce ne sont pas les alternatives de votre banquier, mais elles existent.
 
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À très bientôt, 
L’investisseur sans costume
 
Notes :
[1] https://www.corriere.it/economia/11_settembre_29/trichet_draghi_inglese_304a5f1e-ea59-11e0-ae06-4da866778017.shtml
[2] Je précise au cas où : le respect de sa signature est l’une des choses les plus importantes à mon sens, mais cela n’autorise pas pour autant à l’exiger de force d’un autre.
[3] https://www.ecb.europa.eu/press/shared/pdf/2010-11-04%20-%20Letter_IE_FinMin_to_ECB_President.pdf

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