Mon cher lecteur,
Lundi, le pétrole s’est enflammé de 20% après l’attaque d’installations saoudiennes.
Hier la production du royaume des Saoud était diminuée de moitié et le prix du baril se stabilisait en hausse de 10% après des déclarations saoudiennes rassurantes.
La ministre Elisabeth Borne s’est voulu rassurante en évoquant une hausse de « quelques centimes » à la pompe et appelant les compagnies pétrolières à faire un effort pour éviter de répercuter la hausse, oubliant au passage que lorsque Total met 1 centime dans sa poche, l’État en met 90 fois plus dans les siennes en taxes diverses.
Un déséquilibre de plus
Mais là n’est pas le problème. Une hausse de 4 à 5 centimes (parmi lesquels près de 3 iront à l’État) est un coup de canif fort désagréable qui égratigne un peu plus ceux qui en ont le moins besoin et qui pansent encore leurs blessures avec des lambeaux de mauvais tissus jaunes et réflechissants.
En revanche, si ces prix devaient se stabiliser à ce nouveau niveau, cela poserait un tout autre problème à l’économie mondiale qui n’en a pas besoin.
Selon Patrick Pouyanné, la PDG de Total, le niveau de risque dans les pays du Golfe a atteint un niveau record, extrêmement préoccupant : JAMAIS des installations saoudiennes n’avaient été ainsi visées et la réaction de Donald Trump n’est pas si disproportionnée que cela.
Renvoyez quelques drones et vous pourriez bien éteindre les lumières momentanément, créer un mini effondrement énergétique dont les conséquences seraient désastreuses, comme un junkie que l’on sèvre d’un coup : Il n’en sort rien de bon.
Il faut dire que l’Arabie saoudite a une place particulière dans l’équilibre énergétique mondial : ils sont les seuls producteurs de pétrole qui n’opèrent pas à 100% de leurs capacités et peuvent, à la demande, augmenter ou diminuer leur production afin de stabiliser le marché pétrolier. Ce rôle de régulateur est important.
Une chappe de plomb sur la croissance
Au-delà d’un risque à court terme, cette augmentation artificielle des prix, va mettre à mal une croissance déjà syphilitique.
On estime généralement que le secteur de l’énergie représente 10% de nos économies mais comme le montre l’économiste Gaël Giraud, l’énergie compte pour 60% dans la formation de la croissance : une énergie bon marché stimule l’activité et inversement.
Dit autrement, une augmentation de 10% de la consommation d’énergie entraine une croissance économique de 6% environ… Et inversement.
Il ne s’agit pas d’un calcul savant mais d’observations sur des séries statistiques de long terme.
Bien sûr, la consommation d’énergie ne va pas diminuer de 10% en revanche les perspectives de croissance, déjà atones, vont en prendre un coup et ce que l’État va gagner d’un côté, il va plus que le perdre de l’autre… Mais il semblerait que Madame Borne et le gouvernement ne le comprennent pas.
Cette crise N’est PAS une opportunité, c’est une injonction
Nous pourrions être tenté d’accueillir l’événement comme un défi à relever, une transition écologique à accélérer. Mais le remède est pire que le mal. Combien de fois n’avons-nous pas entendus cette phrase stupide : « le mot qui dit crise en chinois signifie également opportunité », sorte de régurgitation boboïsante du « Vive la crise » de Montand et Libération de 1984. Ils pourraient aussi bien dire « Vive mon AVC ».
Une augmentation artificielle et durable des prix de l’énergie c’est de la pauvreté qui frappe, c’est encore plus de mauvais remèdes, encore plus de déliquescence sociale, et quand on n’aura plus rien à mettre dans l’assiette que choisirez-vous entre la guerre civile et le retour des centrales à charbon.
Bien sûr, le pire n’est jamais sûr, et sans doute même, la situation sera revenue à la normale d’ici quelques semaines.
Jusqu’à la prochaine fois…
Nous sommes en sursis. Nous sommes en sursis permanent. C’est notre condition. De tous temps, il n’en a jamais été autrement.
Pendant ce temps, nos gouvernements, qui n’ont de progressistes que le nom, s’enferment dans la plus aveugle des réactions à chercher une croissance écologique, une mondialisation propre.
Nos irremplaçables esclaves
Nous vivons entourés de centaines d’esclaves qui s’occupent de nous en permanence : ils nous transportent, ils nous chauffent, ils nous habillent, ils bâtissent nos maisons, nos routes et nos villes, ils transportent notre eau et notre nourriture, ils réchauffent nos plats : ce sont nos esclaves énergétiques et nous ne savons plus nous en passer.
L’attaque de lundi devrait nous rappeler que ces « esclaves » sont un luxe bien incertain et s’il est important de sauver les ours polaires, sans doute faudrait-il commencer par nous sauver nous-mêmes et plutôt que nous demander ce que nous feront lorsqu’il n’y aura plus de boulot, nous ferions mieux de nous demander ce que nous ne ferons plus lorsque nous n’aurons plus tous ces esclaves.
La clé de ce dilemme, ce n’est pas la consommation, ni même la déconsommation, c’est le travail. Encore faudrait-il lui rendre son sens et sa dignité.
À votre bonne fortune,
Guy de La Fortelle