OATigate : Le scandale bizarre et profond de la dette indexée 

07 08 2022
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« Tout à coup une porte s’ouvre: entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. »

Chateaubriand

 
Charges fantomes, primes cachées, hors-bilan masqué, Trésor insincère, banques en faillite : Voici le scandale bizarre et profond de la dette indexée à diffuser largement.
 
Ma chère lectrice, mon cher lecteur,
 

Depuis quelques semaines est menée une charge étonnante contre la dette publique indexée sur l’inflation sous le nom un peu barbare de « OATigate ». 
 
Je remercie Philippe Herlin, Anice Lajnef, Charles-Henri Gallois, les députés Jean-Philippe Tanguy et Philippe Brun d’avoir levé le lièvre.
 
Le sujet est d’importance : L’inflation faisant son grand retour, cette dette explose.
 
Elle est révélatrice d’un dysfonctionnement profond de l’État et des entourloupes comptables du Trésor pour maquiller le tout ; mais il ne suffit pas de l’aborder en surface tant il y a de confusion sur ce sujet.
 
Il y a cette idée que les banques auraient pris l’État en otage et n’en finiraient pas de traire la vache alors que l’État saigne tout autant les banques ; Peut-être davantage.
 
Il ne s’agit pas de plaindre nos banquiers mais de nous souvenir que le secteur bancaire dans son ensemble est en faillite latente — Comme l’avait souligné en 2019 un directeur de l’Autorité de Contrôle Prudentiel qui déplorait que le secteur bancaire ne soit pas rentable et que le modèle d’affaires ne soit pas sain.
 
La réalité est que nous avons affaire à 2 junkies de la dette dont la survie est intimement liée et qui s’épaulent comme Fouché et Talleyrand dans l’antichambre du Roi.
 
Mais de quoi parlons-nous au juste ?
Environ 12% de la dette négociable de l’État — 250 milliards — est indexée sur l’inflation. Il s’agit d’une « innovation » récente qui date de 1998 qui consiste à payer un intérêt plus faible qu’à taux fixe mais réévalué chaque année en fonction de l’inflation.
 
Notons que l’immense majorité de notre dette indexée suit l’inflation européenne et non française : Ce ne sont plus nos services qui définissent le coefficient d’indexation mais Eurostat. C’est une perte de contrôle déplorable qu’a soulignée fort justement Philippe Herlin.
 
Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux OATi pour Obligation Assimilables du Trésor indexée qui couvrent les émissions à moyen et long terme.
 
La dette indexée c’était bien avant
Prenons un exemple d’OATi : le Trésor a émis une obligation indexée en 1999 à 30 ans au taux de 3,4%. Le taux fixe au même moment était de 5,5%. Jusqu’à aujourd’hui, ce différentiel de taux de 2,1% a permis au Trésor d’économiser ±60% d’intérêts composés contre ±45% de charge d’indexation sur la même période (2022 compris).
 
Le Trésor est donc largement gagnant avec cette OATi mais si l’inflation reste autour de 6%, la vapeur va se retourner dans moins de 3 ans en faveur des banques et c’est cela qui est dénoncé aujourd’hui.
 
Cette première remarque est d’importance : Selon mes estimations, le Trésor a économisé quelque part entre 30 et 50 milliards de charges grâce à l’indexation. Il ne faut pas oublier cela quand on se plaint aujourd’hui des surcoûts de la dette indexée. Elle nous a d’abord été favorable pendant presque 25 ans.
 
Là où le bât blesse
Dans le détail, le coupon (intérêts) ET le principal des OATi sont indexés. Cette distinction est importante pour la suite.
 
Cela signifie que chaque année, au moment du versement du coupon, on le réévalue en fonction de l’inflation. Cela représente des sommes modestes car plus de la moitié de l’encours de notre dette indexée a un coupon réel (avant variation) de 0,1%. Cela signifie qu’avec 6% d’inflation, votre coupon passe de 0,1% à 0,106%… C’est négligeable. Les vieilles obligations qui ont des coupons entre 1 et 4% sont peu plus exposées mais ce n’est pas le gros de la facture.
 
Cela fait très mal en revanche au niveau du principal. En effet, à l’échéance de l’obligation (par exemple en 2029 pour notre obligation à 30 ans de 1999), l’État devra rembourser le principal de l’obligation multiplié par le coefficient d’indexation, c’est-à-dire l’inflation entre 1999 et 2029 (plus précisément le ratio de l’indice des prix à la consommation de 2029 sur celui de 1999).
 
Comme l’a calculé Philippe Herlin : Avec 250 milliards de dette indexée, rien que pour 2022, 6% d’inflation représentent 15 milliards de principal en plus, payables à échéance.
 
On appelle cela la charge d’indexation à l’échéance et il y en a pour 11 milliards de plus que prévu dans la loi de finance initiale de 2022.
 
Et c’est là que cela devient… Bizarre.
 
Les charges fantômes de la dette
En effet, les députés Jean-Philippe Tanguy et Philippe Brun ont interpellé Bruno Le Maire à l’Assemblée il y a quelques semaines au sujet de l’augmentation de 12 milliards de la charge de la dette prévue dans la loi de finance rectificative, parmi lesquels 11 milliards correspondent à la charge d’indexation à l’échéance de nos OATi.
 
Ils se sont émus de ce poids supplémentaire énorme dans le budget à un moment où l’inflation fait déjà déraper les finances publiques malgré des ressources fiscales, elles aussi augmentées par l’inflation.
 
Or, il s’agit là d’une provision.
 
Pas un seul euro de ces 15 milliards de charge d’indexation à échéance ne sera décaissé cette année. Ils le seront au fur et à mesure des échéances des obligations sur les 30 prochaines années.
 
Le remboursement des OATi arrivant à échéance cette année est compté dans une autre ligne, non pas à la rubrique charge mais amortissement de la dette.
 
Mais alors que deviennent tous ces milliards provisionnés mais pas décaissés ?
 
J’ai mis un peu de temps à trouver, mais le Trésor nous donne la réponse dans sa lettre mensuelle du mois de juillet.
 
Il ne s’agit en fait que d’un artifice comptable. En effet, le Trésor ne provisionne absolument pas ses charges d’indexation à échéance : Il se contente d’inscrire un besoin négatif (une ressource) égal au montant de sa charge d’indexation dans la colonne « autres besoins de trésorerie ».
 
Extrait lettre Tresor
 
Voilà la réalité : Il N’y a PAS de choc de dette indexée sur notre budget. Celui-ci est dilué sur les 30 prochaines années, ou plutôt renvoyé aux calendes… « Après moi le déluge » est la maxime favorite de notre gouvernement.
 
Bien sûr, Bruno Le Maire aurait été mal avisé de faire cette réponse à nos courageux députés : Personne n’aurait vraiment apprécié que l’on renvoie le problème sous le tapis. C’est irresponsable.
 
Cette entourloupe honteuse fait sortir en catimini la charge de la dette indexée en dehors du bilan de l’État et gonfler un peu plus le bubon de nos engagements hors-bilan qui nous sautera bien un jour à la gueule.
 
Mais nous n’en avons pas encore fini avec le bizarre, ou plutôt le maquillage façon clown.
 
Voici encore des choses que M. Le Maire ne peut pas avouer, ce qui rend les dialogues de l’hémicycle impossible :
 
La prime aujourd’hui… Demain le déluge
M. Tanguy a reproché à M. Le Maire la folie d’émettre encore en 2021 et 2022 de la dette indexée alors que les taux sont dérisoires comparés à l’inflation et ses perspectives. Il n’y aurait que des coups à prendre.
 
En effet, avec un taux fixe à 10 ans à 1,4%, il faudrait être fou pour préférer une charge d’indexation de 6%.
 
Là encore, c’est plus compliqué que cela : Il faut faire la différence entre la valeur nominale de l’obligation (celle utilisée pour rembourser les coupons et le principal) et le prix d’adjudication.
 
Ce n’est pas parce qu’une obligation a une valeur de 1 000€ que la banque l’a achetée 1000€.
 
Prenons un exemple : En 2021 le Trésor a réalisé 4 adjudications d’une OATi à échéance en 2047 (https://www.aft.gouv.fr/fr/titre/fr0013209871). Officiellement, le Trésor a émis 2,5 milliards d’obligations mais les banques ont payé ces obligations 30% plus cher, soit 3,25 milliards d’euros.
 
Avec 6% d’inflation, les 30% de prime payées par les banques risquent d’être plus qu’effacées bien avant 2047, mais rares personne ne pouvait prévoir en 2021 cette envolée inflationniste et en attendant, le Trésor a fait rentrer des sous dans la caisse et… Après moi le déluge.
 
L’argument du Trésor s’effondre

Le Trésor justifie généralement la dette indexée par l’intérêt de suivre les cycles : En effet, lorsque l’inflation augmente, les ressources fiscales de l’État également. Il serait donc bienvenu d’indexer une partie de notre dette. Cela permettrait de payer un peu plus quand les rentrées sont plus importantes grâce à l’inflation et un peu moins en cas de récession.

 

Mais nous venons de voir que tout cela était de la poudre aux yeux et que le Trésor ne provisionne absolument pas ses charges d’indexations les années où les rentrées fiscales augmentent avec l’inflation et pire, mange son pain blanc avec des primes d’adjudication : C’est l’inverse de la bonne gestion prétendue !

C’est qu’il ne s’agit pas ici de gestion mais de survie.

L’État joue sa survie et sert ses intérêts propres, pas l’intérêt général
L’État a donc tout à fait intérêt à se financer ainsi. Pas vous, mais l’État qui ne cherche jamais que sa survie : Oui.
 
Et c’est sans doute là le plus grand scandale : L’État ne sert pas l’intérêt général avec sa dette indexée mais le sien propre et force est de constater que cela fait un moment que l’intérêt de l’État diverge de l’intérêt général. Nous n’en avons ici qu’un exemple parmi tant d’autres.
 
Encore une fois, Bruno Le Maire n’allait pas avouer à M. Tanguy qu’il émettait de la dette indexée avec de fortes primes pour remplir ses caisses discrètement, et renvoyer la facture à de lointains successeurs…
 
 
 
Et les banques alors ? 
Bien sûr, ces charges d’indexation ne sont pas perdues pour tout le monde. Mais c’est là que j’ai une divergence avec le travail remarquable de Philippe Herlin : Je ne crois pas que les banques fassent un chantage au Trésor ou qu’elles rackettent l’État.
 
Si l’État leur concède ces titres très favorables au-delà du maquillage comptable, c’est qu’elles en ont un besoin vital et que si les banques s’effondrent, l’État n’y résistera pas. Plus modestement en tout cas, la facture d’un effondrement du système bancaire ne serait d’aucune commune mesure avec les 12 milliards qui nous chagrinent aujourd’hui.
 
Il n’y a pas de chantage des banques simplement parce que les règles comptables et bilancielles obligent les banques a avoir des tombereaux de dette publique, parce qu’avec les règles de Bâle III les banques n’ont pas à provisionner de fonds propres sur les dettes des États de la Zone Euro (encore une folie) et parce que la BCE est encore là pour racheter les dettes à bon prix.
 
En revanche, le système bancaire n’a jamais été conçu pour opérer en taux négatifs. Et cela pose des problèmes insolubles aux banques qui sont asphyxiées par ses taux bas et négatifs.
 
Bruno Le Maire, pour une fois, a raison : Sans ces titres indexés, les livrets réglementés et les fonds euros d’assurance vie ne pourraient quasiment pas augmenter leurs intérêts. Imaginez Ces produits d’épargne rester à 1% avec une inflation à 6% ou plus.
Il y a là un risque très sérieux de retraits massifs qui mettrait le système en danger. Je vous rappelle que c’est notre épargne qui solvabilise la dette publique comme l’avait avoué l’économiste en chef du Trésor l’année dernière.
 
Tout se tient : L’argent doit rester piéger.
Bien sûr, je comprends l’argument : Ce n’est pas à l’État de soutenir le rendement des épargnants. Certes, mais les épargnants ont déjà perdu 400 milliards à cause des taux bas et à ce stade c’est le système tout entier qui ne tient qu’à un fil… Au moins jusqu’à l’Euro numérique.
 
C’est pour cela que je vois dans l’État et les banques deux junkies prédateurs qui se soutiennent dans leur folle cavalcade pour trouver un fix de dette de plus.
 
Ils sont en train de nous emmener vers une grande overdose de dette. Ils voudraient tout geler. Vous, je sais bien que vous êtes nombreux à attendre un effondrement mais il passera sans doute par une purge inflationniste et hyperinflationniste d’abord.
 
Les autorités voudraient empêcher la réconciliation entre la fiction financière et la réalité économique et sociale en nous emmenant dans une sorte de glaciation soviétique (c’est d’une certaine manière la promesse de l’Euro numérique) ; rien n’est moins sûr et la réconciliation peut se produire par le bas avec une récession abyssale ou par le haut par la purge hyperinflationniste. Et à mon avis, c’est ce dernier chemin que nous prenons.
 
C’est dans ce cadre que l’immobilier est en train de retrouver sa fonction historique contre l’inflation et qu’il y a de belles opportunités à saisir, le temps que tout le monde s’en rende compte.
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle
 
 

 
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Je m’appelle Guy de La Fortelle et je rédige le service d’information GRATUIT et INDÉPENDANT : L’Investisseur sans Costume.
 
À partir d’aujourd’hui, je vais vous dire tous les secrets de l’économie et de la finance que les médias grands publics « oublient ».
 
J’ai écrit un article complet sur OATigate : Le scandale bizarre et profond de la dette indexée 
 
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À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle


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