Premiers signes d’un retour à l’étalon-or

18 02 2025
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Ma chère lectrice, mon cher lecteur,

 
Ces derniers temps, le lingot d’or ne coûte pas le même prix selon le côté de l’Atlantique où vous vous trouvez.
 
L’or, à Londres, coûte une vingtaine de dollars de moins qu’à New York. Cela fait une différence de moins d’un pour cent et pourtant, dans un marché libre et non truqué, cela ne devrait pas arriver.
 
Comble de l’absurde : le LBMA, qui supervise le marché britannique, a déclaré être en discussion avec le COMEX de l’autre côté de l’Atlantique pour résoudre le problème… Comme si le COMEX allait refuser l’or qu’on lui envoie ! Le surplus de demande à Londres devrait simplement y faire monter les prix et rééquilibrer naturellement le marché.
 
Mais NON. Résultat des courses : on fait la queue au guichet de la Banque d’Angleterre à Londres.
 
Alors qu’en fin d’année dernière, il suffisait de quelques heures pour accéder à son or stocké par la banque nationale britannique au nom du LBMA — la London Bullion Market Association — qui organise le marché de l’or à Londres, il faut désormais deux mois pour mettre la main sur votre précieux métal.
 
Il y a là quelque chose qui cloche.
 
C’est officiellement la crainte de droits de douane sur l’or par Trump qui serait à l’origine de ce déséquilibre… Ou plutôt de ce rééquilibrage historique : les États-Unis ont interdit la détention d’or aux particuliers de 1933 à 1975. Ce genre de comportement laisse des traces et aujourd’hui encore, les coffres du LBMA à Londres sont pleins de l’or des Américains.
 
En menaçant de taxer les importations d’or, Trump incite au retour du précieux métal sur son territoire, y compris par des comportements opportunistes de spéculateurs qui voudraient faire leur beurre sur la différence de prix entre Londres et New York… Sauf que la différence de prix n’en vaut pas le coût de déplacer des tonnes d’or. Les frais bancaires, d’assurance et de transport ainsi que l’incertitude sur les prix font plus qu’effacer la différence.
 
Autre problème : l’administration Trump n’a strictement rien dit d’une possible taxation des importations d’or et surtout, cela serait d’une imbécillité sans nom : l’or est un actif stratégique et vous ne voulez surtout pas l’empêcher de rentrer chez vous… Par exemple en le taxant.
 
Scott Bessent, en revanche, a lâché une petite bombe fort énigmatique au début du mois de février. Le nouveau secrétaire au Trésor a annoncé qu’il allait « monétiser l’actif du bilan des États-Unis ».
 
Il a bien dit monétiser mais à mon avis il aurait aussi bien pu dire militariser
 
Généralement, les États ont la fâcheuse tendance à monétiser leur passif en s’endettant. Mais si vous avez besoin d’argent frais, vous pouvez aussi « monétiser votre actif », ce qui est une manière assez pompeuse de dire que vous allez vendre des choses : vos terrains, votre immobilier ou vos participations dans des grandes sociétés afin de générer des liquidités pour financer vos déficits abyssaux.
 
Si le marigot financier a rapidement évacué la possibilité pour le gouvernement de vendre son immobilier (en grande majorité militaire) ou ses participations dans les géants de l’assurance Fannie Mae et Freddie Mac, les regards se sont rapidement tournés vers l’or.
 
En effet, le gouvernement américain détient plus de 8 000 tonnes d’or, les fameuses réserves de Fort Knox. Cet or est aujourd’hui comptabilisé à 42 $ l’once alors que le cours du marché est de plus de 2 900 $.
 
Donald Trump pourrait d’un trait de plume revaloriser l’or des États-Unis à sa valeur de marché et immédiatement gonfler son bilan de 800 milliards de dollars… AU COURS ACTUEL. Cette nouvelle valorisation permettrait de générer autant de liquidités par des contrats repo (repurchase agreement : vous vendez votre or avec l’engagement de le racheter le lendemain).
 
Bon… 800 milliards ne représentent jamais que deux mois de fonctionnement du gouvernement américain. Mais si l’or venait à s’envoler, il pourrait en être tout autrement.
 
Lors de son premier mandat, Donald Trump avait envoyé plusieurs signaux favorables à l’or, notamment en nommant la goldbug Judy Shelton au poste d’économiste de la Réserve fédérale ou en favorisant les États américains qui souhaitaient redonner à l’or un cours légal (ce qui revient à ne pas taxer les bénéfices sur l’or).
 
Évidemment, cela paraît fou à première vue ; moyenâgeux diraient les économistes sérieux.
 
Et pourtant…
 
Nous savons que la Chine accumule le plus d’or possible depuis la crise de 2008. Il est particulièrement difficile d’estimer les réserves chinoises, officiellement évaluées à 2 200 tonnes… Très probablement le double et sans doute davantage encore. Or les banques nationales des BRICS ont doublé leurs achats d’or depuis 2022.
 
Si les États-Unis ont encore une position dominante sur le marché de l’or, celle-ci est menacée.
 
Les Chinois ont d’ailleurs été un temps transparents avant de se refermer : Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque populaire de Chine entre 2002 et 2018, avait déclaré en 2009 que les États-Unis voulaient dissuader les stocks d’or par les banques centrales afin de garder leur hégémonie sur le métal jaune mais qu’il savait bien qu’un État (ou groupe d’États) devait réunir environ 60 % des stocks d’or monétaires afin de relancer un système monétaire fondé sur l’or. C’était le cas du Royaume-Uni au XIXe siècle, des États-Unis au XXe… Et sous-entendu : celui-ci pourrait être celui de la Chine au XXIe siècle.
 
Nous savons que les BRICS travaillent activement à un système d’échanges libéré de la domination du dollar et que le retour à un étalon-or a leur faveur.
Nous savons encore que dans cette course, le temps joue en faveur de la Chine : plus ils peuvent accumuler d’or physique à bon prix, plus vite ils pourront proposer un système autour de l’or.
 
Nous savons enfin que les Américains n’ont pas les scrupules des vieilles puissances européennes et qu’ils seront capables d’un grand sacrifice et d’une grande violence s’ils estiment cela nécessaire pour couper l’herbe sous le pied des Chinois et des émergents.
 
Bruno Bertez a publié il y a quelques jours un excellent article sur l’or comme arme de destruction massive contre nos monnaies de papier et en particulier contre le dollar.
 
Si l’or était à son vrai prix, le Dollar, l’Euro et toutes les grandes monnaies s’effondreraient.
 
On se rendrait compte qu’elles ne valent rien et on reviendrait alors naturellement à une forme d’étalon-or.
 
Comme M. Bertez le note : il « suffirait » d’un acteur déterminé ayant la puissance d’action d’une grande banque centrale pour faire s’effondrer le système actuel.
 
Voilà ma spéculation aujourd’hui : cet acteur pourrait être la Fed américaine elle-même et derrière elle les grandes banques américaines qui se savent condamnées autrement.
 
Oh cela serait une déflagration immense et la crise qui s’ensuivrait serait terrible.
 
Le système bancaire n’y survivrait pas, ou plutôt, il devrait être entièrement refondé et l’immense majorité de nos riches banquiers se retrouverait sur la paille.
 
Mais il vaut mieux s’amputer soi-même d’une jambe malade plutôt que laisser son adversaire plonger son couteau dans la plaie ouverte.
 
Nous savons que ces comportements font partie intégrante de la psychologie américaine; cela transparaît jusque dans leur culture populaire dans un film comme Margin Call par exemple.
 
Vu le niveau de pourriture du système financier actuel nous pourrions tout de même nous demander si un grand retour de l’or ne reviendrait pas à s’amputer de la tête.
 
Mais justement : il n’existe pas une seule forme d’étalon-or mais d’innombrables.
 
Cet étalon serait probablement adossé à une blockchain, mais laquelle et avec quel fonctionnement ? la convertibilité des monnaies en or peut être directe ou indirecte (on parle alors d’étalon de change or). Les particuliers pourraient-ils convertir leurs billets en or ? Probablement pas. Les entreprises ? Les banques ? Seuls les États comme dans le système de Bretton Woods ?
 
Nous avons la mauvaise habitude de penser que le retour à un étalon-or s’accompagnerait nécessairement d’une forme d’orthodoxie monétaire qui tuerait le système américain. Cela est d’autant moins certain que ce n’était déjà pas le cas avec les accords de Bretton Woods après la Seconde Guerre mondiale et l’Amérique de Trump pourrait tenter un retour à l’étalon-or afin de monétiser outrageusement leurs réserves et prolonger la domination monétaire du Dollar et son privilège exorbitant à nos dépens.
 
Il ne s’agirait pas tant de remettre les compteurs à zéro que de retourner l’arme des adversaires contre eux-mêmes.
 
Or ce qui importe de manière cruciale pour imposer un nouveau système monétaire est de contrôler les stocks de monnaie et le temps.
 
Il y a environ 35 000 tonnes d’or monétaire dans le monde. Les États-Unis en détiennent plus de 8 000, la vieille Europe près de 12 000… On pourrait sans doute compter sur les 2 000 tonnes du FMI et atteindre 23 000 tonnes en tout avec le Japon et les autres alliés : cela place encore l’Occident en position dominante, mais plus pour très longtemps.
 
Les BRICS ont doublé leurs achats d’or depuis 2022 et encore faut-il s’assurer de la participation des alliés qui ont été particulièrement rudoyés récemment, nous les premiers.
 
De la même manière que les BRICS se sont lancés dans la course aux lingots, l’Occident de Trump pourrait bien être en train de mobiliser ses troupes également et de faire converger le précieux métal vers le centre américain afin de se préparer à une déflagration qui serait sanglante, mais bien moins que si la bombe devait venir plus tard et plus fort de l’autre côté du Pacifique.
 
Et si le LBMA londonien se présente comme un organe de supervision « indépendant » créé au lendemain du lundi noir de 1987, alors que l’or menaçait à nouveau de détruire l’édifice de papier des changes flottants.
 
Il a été créé à la demande de la Banque d’Angleterre et réunit les grandes banques et les plus grands acteurs du marché de l’or : il est tout sauf indépendant.
Jusqu’à présent, le rôle d’institutions comme le LBMA est justement d’empêcher l’or d’exploser à la hausse et de faire s’effondrer le régime monétaire actuel.
 
C’est encore ce qu’ils font aujourd’hui en retardant les livraisons et en maintenant un prix artificiellement bas, mais cela permet également aux insiders, aux grandes banques, de déplacer leurs réserves à bon prix et de préparer l’avenir.
La guerre est aussi monétaire et elle pourrait bien être en passe de devenir une guerre de mouvement.
 
Cet exercice de prospective auquel nous venons de nous livrer est évidemment tout sauf certain, mais il a le mérite de vous montrer un des chemins par lesquels l’or retrouve son rôle millénaire de monnaie-étalon et, en l’occurrence, un chemin relativement rapide et particulièrement brutal pour nous, petits Européens sans tête.
 
Il a le mérite de vous montrer que les records battus ces jours-ci ne sont que bien modestes comparés au cours de l’or en cas d’effondrement monétaire ou du retour de l’or au statut d’étalon.
 
Il a le mérite de vous montrer que ces événements séculaires sont rarement aussi lointains qu’on le croit (ni si proches d’ailleurs).
 
Et surtout, il a le mérite de vous montrer l’intérêt de détenir de l’or physique, pas tant comme investissement mais comme assurance contre la chute en cours de nos monnaies et l’avilissement de nos corps politiques.
 
Vous savez que je recommande à tous de détenir un peu d’or physique pour les raisons que je viens d’exposer. J’ai rédigé un guide simple et rapide pour vous y aider, que vous pouvez télécharger en suivant ce lien.
 
Je vous invite également à faire circuler cette lettre si elle vous a intéressé. Plus nous serons nombreux à mettre en pratique cette gestion prudente de nos épargnes, mieux nous serons.
 
À votre bonne fortune,
 
Guy de La Fortelle
 
PS : J’aurais voulu inclure dans cette lettre une analyse détaillée du problème de « l’or papier » dont les volumes sont 2 à 300 fois plus importants que l’or physique (alors qu’ils devraient au maximum être les mêmes puisque l’or papier est une promesse d’or physique) mais cela sera pour une prochaine lettre. Si vous n’êtes pas encore inscrit à L’Investisseur sans Costume, je vous invite à le faire ici afin de vous assurer de recevoir mes prochaines analyses.
 
 

 
Couverture dossier Or simple & sur

 
 
 


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