Ma chère lectrice, mon cher lecteur,
C’est l’histoire d’un professeur de philosophie qui tente d’expliquer à son élève la différence ontologique entre l’être et l’avoir et lui demande ce qu’il choisirait entre un sac d’argent et un bagage intellectuel débordant :
« Le sac d’argent, répond l’élève.
– À ta place, j’aurais pris l’intelligence,
reprend le professeur –
C’est normal, chacun choisit ce qui lui manque le plus ». Cette blague potache n’est pas anodine : Voilà le monde dans lequel nous vivons ; un monde dans lequel il y a de plus en plus d’argent et de moins en moins d’intelligence et de compétence ; un monde dans lequel nous prenons la proie pour l’ombre, un monde dans lequel le signe est devenu incroyablement plus important que sa contre-valeur réelle.
École, baccalauréat, IUT, lycées professionnels, université… Emmanuel Macron avale les réformes de l’instruction comme l’on enfile les perles d’un collier.
L’instruction c’est comme le fric : Les deux sont réduits à une signature au bas d’un bout de papier, billet ou diplôme, qui ne valent plus guère que l’encre pour les imprimer.
La destruction de la monnaie et du savoir participent de la même forfaiture.
Ils vous ont trompés et la particularité d’Emmanuel Macron est d’accélérer le mouvement de destruction au moment où celui-ci devient flagrant même aux plus obtus même maquillé d’un vernis putréfié de pragmatisme entrepreneurial, accompagné d’une violence mafieuse pour enrober le tout.
Le grand projet d’Emmanuel Macron est de professionnaliser les enseignements secondaires et supérieurs.
La promesse est louable mais elle est fausse et l’exécution à l’envers : Nous nous rendons bien compte que l’empilement des réformes ne consiste pas à régler les problèmes mais à brouiller les pistes et casser les thermomètres pour tenter de prolonger un peu plus la forfaiture.
Quelle forfaiture ?
La grande arnaque au progressisme
L’État, depuis un demi-siècle, fait la promesse — vaguement fascisante — de l’Homme Nouveau. Là où les dictatures ont échoué, le capitalisme dévoyé a triomphé.
Il a passé cet accord informel avec le peuple : Je vous sacrifie pour que vos enfants aient une vie meilleure.
Votre histoire, votre identité, vos métiers, savoir-faire, traditions, les plats que vous mangez, les habits que vous portez, les mots que vous employez, les pays que vous habitez, les histoires que vous racontez, vos contes, vos légendes tout cela doit mourir en échange de quoi vos enfants seront des rois. Ils seront riches, instruits, puissants, libres, oisifs, charnels…
Cela fait 50 ans et la promesse qui a d’abord semblé tenue est finalement corrompue jusqu’à l’os.
Depuis 2008, nous avons pris conscience collectivement que nos enfants seront plus pauvres et moins instruits que nous, qu’ils auront la vie plus dure. Mais au lieu de nous confronter à ce constat, nous faisons l’autruche et nous racontons des histoires en attendant la mort. Il y a là d’ailleurs une question générationnelle : Les retraités votent aussi pour Macron car il perpétue cette promesse sur laquelle cette génération s’est construite, pas tous bien sûr, mais une majorité ;
Évidemment l’instruction joue un rôle central dans l’appareil de la vaine promesse de l’Homme Nouveau.
Les promesses n’engagent que ceux qui les croient
Politiquement, vous ne pouviez pas détruire 2 millions d’emplois ouvriers sans promettre un avenir meilleur aux enfants de vos victimes expiatoires.
Dommage, les enfants sont finalement plus cons, avilis plutôt que formés.
Plus nous distribuons de diplômes et plus la compétence baisse, plus nous distribuons d’argent et moins nous créons de richesses.
Nous vivons dans un monde où les signes d’intelligence et de compétence se multiplient aussi vite que les signes monétaires mais où tout comme la monnaie, les compétences et l’intelligence réelles s’effondrent.
Tout comme la mauvaise monnaie chasse la bonne, la fausse compétence chasse la vraie. La promesse progressiste de l’Homme Nouveau est vaine : Il s’agissait simplement de vous faire les poches et désormais la peau.
Avec la réduction des déficits publics, l’amélioration de notre système éducatif est sans doute la promesse la plus martelée et la moins bien tenue de ces 40 dernières années par les machins qui nous servent de représentants politiques et servent la
soupe de la Grande Arnaque du progressisme.
Notez que le problème n’est pas l’éducation nationale ni l’enseignement supérieur : Ils ne sont pas défaillants, ils remplissent très efficacement leur fonction. Ils servent à merveille la promesse de l’Être Nouveau et repaient en monnaie de singe les naïfs qui ont osé y croire, élèves, parents, professeurs aussi et nombreux.
Cela se voit particulièrement bien dans les chiffres.
En France, plus le niveau de formation augmente et plus nous nous appauvrissons
En 1980, 20 % de la population française avait le bac et moins de 10 % un diplôme du supérieur.
En 2021 la proportion s’est inversée : 82 % de la classe d’âge a obtenu le bac et près de la moitié des 25-34 ans détient un diplôme du supérieur.
Pourtant cette hausse impressionnante des niveaux de diplômes NE s’est PAS accompagnée d’une hausse de l’activité en France qui stagne et cache une hausse de l’activité féminine et une baisse de l’activité masculine…
Le PIB par habitant est lui passé de 9 200 € (±60 000,00 F) à 37 000 € de 1980 à 2021 selon les chiffres de l’INSEE.
Corrigée de l’inflation, cette différence considérable se réduit comme peau de
chagrin à 30 000 € contre 37 000 € et encore n’est-ce que l’inflation officielle et si l’on corrige encore de l’endettement net, privé, public et hors-bilan, on se rend compte que malgré des formations toujours plus longues et des diplômes toujours plus ronflants, nous produisons de moins en moins de richesses et nous appauvrissons en réalité et à grande vitesse désormais.
Un demi-siècle d’allongement de l’instruction et d’augmentation des niveaux de diplômes n’a apporté aucun enrichissement matériel ou immatériel (j’assume ici l’aspect nécessairement subjectif de l’immatériel) aux populations qui ont consenti cet effort.
La baisse des niveaux d’instruction a fini par atteindre tous les niveaux : aussi bien les populations qui n’atteignent pas le bac que celles qui complètent un premier cycle universitaire ou celles qui poursuivent des études longues. Signe tranchant que cette baisse atteint aussi les populations les plus éduquées : Les niveaux des concours d’entrée aux grandes écoles de commerce et d’ingénieurs baissent eux aussi*.
L’escroquerie démontrée, nous pourrions nous arrêter-là mais il y a du fruit à pousser l’analyse un peu plus loin.
Nos politiques de formation entravent activement leur adaptation
À la fin des années 1990, nous étions le pays de l’OCDE qui inscrivait le plus d’élèves en études supérieures mais qui connaissait également le plus fort taux d’échec. Nous avons désormais un profil moyen, terriblement moyen, qui cache à peine d’immenses disparités et la pente descendante que nous parcourons.
Il est faux en revanche de vouloir nous cantonner à cette image d’étudiants désœuvrés qui s’inscrivent à l’université sans y mettre les pieds ni se présenter aux examens comme l’a encore fait Emmanuel Macron il y a un an en affirmant à tort que la moitié des étudiants de première année ne se présentait pas aux examens alors que 70 % obtiennent leur licence ce qui est comparable aux autres pays de l’OCDE.
Les étudiants de BTS en revanche ne sont que 58 % à aller jusqu’au diplôme. Et ce problème-là est autrement plus grave, notamment car il sanctionne aussi bien la défaillance d’instruction à l’entrée et l’absence de débouchés à la sortir pour ces populations.
Comment commencer à travailler plus jeunes et mieux formés
Pourtant, si nous regardons les systèmes d’instruction des pays les plus riches et fonctionnels aujourd’hui nous nous rendons compte qu’ils partagent 2 caractéristiques communes dans les statistiques de l’OCDE : Ce sont des pays où nous observons à la fois un fort taux d’études supérieures ET un âge d’entrée sur le marché du travail précoce.
Taux de diplômés du supérieurs dans les pays de l’OCDE
Participation au marché du travail des 15-24 ans des pays de l’OCDE
Il se trouve que nous avions les bonnes formations pour répondre à ces enjeux avec les BTS et DUT (désormais BUT) créés au début des années 1960. Nous avions tout ce qu’il fallait pour réussir cette adaptation… C’était sans compter l’idéologie et la destruction des études primaires et secondaires qui se sont propagées aux études supérieures.
Confrontés à une baisse du niveau général, des bacheliers des filières technologiques et générales se sont de plus en plus tournés vers des BTS et DUT, formations plus en lignes avec leur niveau et aspirations réelles. Plutôt que réformer le baccalauréat et les études secondaires, nous avons préféré forcer les BTS et DUT à prendre des quotas d’étudiants sortant des filières professionnelles. Nous avons tué le BTS et prenons désormais la même voix avec les DUT. Les taux de réussites aux examens sont inquiétants à 58 %, le chômage des diplômés, lui, est supérieur à la moyenne… Au temps pour la professionnalisation en France qui ne sait pas plus former sa jeunesse que lui offrir des débouchés.
Il n’y a plus de professeurs en France : Que font la première dame et la police ?
Enfin, signe de l’effondrement de notre système fort compréhensible d’ailleurs, nous sommes le pays de l’OCDE qui forme le moins d’enseignants ! Nous trônons sur cette dernière marche, nous portons cette tache honteuse. Avec 4,1 % de diplômés du supérieur en éducation, nous sommes derniers des 38 pays développés de l’OCDE qui forment 10,4 % d’enseignants en moyenne parmi leurs étudiants du supérieur.
Pensez-vous que cela toucherait une première dame professeure de lycée ?
Je ne sais ce qui pèse le plus entre les conditions exécrables, les salaires de misère ou le désaveu de notre société pour ceux qui forment le trésor de notre avenir…
Mais l’on trouve encore nécessaire de faire la guerre aux initiatives à la marge qui tentent de se libérer de la spirale d’échec de ceux qui prennent les diplômes pour des hochets et nos enfants pour les gardes rouges de leur idéologie mortifère.
L’unique raison de l’échec français
L’unique raison de l’échec français est la politisation à outrance de notre école et de notre enseignement qui conduit au sacrifice de la formation effective à l’autel du grand marchandage politique, la distribution de diplômes aussi vides que les promesses de lendemains meilleurs.
J’ai repris le thème de l’instruction après une note de l’inénarrable Patrick Artus, chef économiste de Natixis, qui nous a pondu une note tarte à la crème sur « la priorité absolue en France, c’est l’amélioration du système éducatif » qui fait baisser les compétences et augmenter le chômage. Pour Artus, tout se réglera naturellement une fois que nous aurons repris en main la formation de nos générations montantes… Mais pour faire quoi ? Et à quel prix ?
Former une population dispense-t-elle de faire de la politique ? Évidemment non. Mais comme souvent en France, la politique se mèle de ce qui ne la regarde pas pour mieux éviter les sujets sur lesquelles elle devrait agir.
Artus reprend la sempiternelle antienne de la formation, il contribue à la politiser toujours plus, laissant supposer que nous échouons depuis 40 ans non parce que la voie est mauvaise mais parce que nous ne la descendons pas assez vite.
Laissez profs, parents, élèves et directeurs tranquilles !
Mais c’est tout l’inverse ! Arrêtez de vouloir réformer l’instruction en France et laissez libres ne serait-ce que 10 ans, directeurs, professeurs, parents et élèves de faire ce que bons leur semble au lieu de les entraver toujours d’avantage et de les perdre en réformes absconses.
Si demain l’Éducation Nationale disparaissait dans une grande nuée : Quel mal cela ferait-il ?
Quel mal aux enseignants enfin libres de leur instruction ?
Quel mal aux directeurs enfin libres de leur recrutement, élèves et professeurs ?
Quel mal aux parents enfin choisir leur école ?
Tout ce monde serait bien obligé de se responsabiliser, de se demander ce qu’ils veulent vraiment et des efforts qu’ils sont prêts à consentir.
Voyez déjà les niches d’enseignement libre, primaire, secondaire et supérieur auxquelles on fait la guerre et qui pourtant font florès.
Bien sûr que tout n’est pas perdu, voyez cette génération qui compense le déficit du nombre par un engagement héroïque, qui s’endurcit à ce feu, renforce sa détermination et ne demande qu’à éclore au premier rayon de soleil. Il dépend de nous, collectivement de faire éclore ce nouveau printemps ou de le tuer dans l’œuf.
Un peuple est toujours libre de refuser une loi
N’oubliez pas qu’une loi ne vaut jamais qu’à mesure qu’elle est appliquée : Aucun parlement, aucune police, aucun gouvernement ne peut quoi que ce sont contre une population que refuse une loi collectivement, qui en devient inique en système démocratique.
Bien sûr, cela demande un saut dans l’inconnu, l’espérance que d’autres, en nombre suffisant, feront le même choix. Il s’agit en somme de redevenir un peuple, de reprendre ce dont ils vous ont privés depuis un demi-siècle.
À votre bonne fortune,
Guy de La Fortelle
PS : Les statistiques utilisées pour cette lettre proviennent essentiellement de l’OCDE et de la Banque mondiale afin de permettre des comparaisons internationales et dans le temps.
* Il y a 20 ans, mes professeurs nous disaient que le niveau des élèves arrivant en classe préparatoire chutait d’année en année mais que les concours se maintenaient, nous forçant à un effort considérable pour rattraper l’échec de l’enseignement secondaire. Cela ne pouvait durer éternellement et les niveaux des concours ont fini par baisser. Point de statistiques ici, il suffit de regarder les annales des concours.
Je m’appelle Guy de La Fortelle et je rédige le service d’information GRATUIT et INDÉPENDANT : L’Investisseur sans Costume.
À partir d’aujourd’hui, je vais vous dire tous les secrets de l’économie et de la finance que les médias grands publics « oublient ».
J’ai écrit un article complet sur Réformes de l’instruction : Macron perpétue le pacte diabolique
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À votre bonne fortune,
Guy de La Fortelle