Un Tien vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras ;
L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.
Le petit poisson et le pêcheur, Jean de La Fontaine
Un euro aujourd’hui vaut plus qu’un euro demain
P. Bunkanwanicha , professeur de finance de votre serviteur, introduisant la notion de rendement – avant les taux négatifs – devant des étudiants embrumés.
Mon cher lecteur,
Un Tu l’auras vaut mieux que deux Tien, voici la maxime nouvelle des rentiers de la revendication.
Monsieur de La Fontaine, ces jours-ci serait bien embarrassé tant cette réforme des retraites met tout sens dessus dessous.
Voyons aujourd’hui comment nous en sommes venus à préférer les promesses au réel, la spéculation à la prudence, un euro demain plutôt qu’un euro aujourd’hui.. Et où cela nous mène dans le temps long de nos retraites.
Avant Noël, Thomas Piketty et la CGT pestaient contre l’exclusion des cadres à hauts revenus de la solidarité nationale.
Pour mémoire, la réforme prévoit que les tranches de salaire au-delà de 120 000 € ne soient pas intégrées au nouveau système… Plaçant la prévoyance retraite de ces sur-revenus de facto dans un modèle par capitalisation.
Seuls 2% des actifs ont des revenus aussi élevés et il faut bien faire partie des 1% pour avoir des revenus significativement plus élevés : les fameux 1% continuent de faire sécession en se réservant des traitements à part.
Patatras, voilà que fin janvier, Geoffroy Roux de Bézieux, patron du MEDEF, a été se plaindre lui aussi, jusqu’au micro de l’Assemblée, de cette exclusion. Il n’est pas commun que la CGT et le MEDEF soient d’accord.
Tiens donc, alors que les médias pseudo-libéraux et faussement conservateurs invoquent la capitalisation comme seul remède aux graves dérives de notre système, il semblerait que les premiers intéressés soient plus attachés que prévu à leur retraite par répartition.
Selon Monsieur Roux de Bézieux, cette exclusion va représenter un « problème de compétitivité » .
Traduisez : vous nous sucrez notre retraite, nous refusons de perdre cet avantage. Roux de Bézieux, syndicaliste des riches peut difficilement revendiquer un acquis social, mais syndicaliste avant tout, si les mots n’y sont pas, le fond y est.
Regardons dans le détail ce qu’ils y perdent.
AVANT, un super cadre français pouvait cotiser à sa complémentaire sur des salaires allant jusqu’à 320 000€ et s’assurer une rente plus que généreuse de la part de l’ARRCO à la retraite.
DORÉNAVANT, il cotisera au régime universel sur ses salaires jusqu’à 120 000€. Au-delà, il ne cotise plus, mais touche ses euros sonnants et trébuchants directement sur son compte, libre à lui de se constituer sa retraite comme il l’entend, via un PER, de l’immobilier, des actions, de l’or ou des cacahuètes À DISCRÉTION.
Mais pourquoi le MEDEF préfère-t-il que les retraites des 1% soient gérées par une caisse de quasi-fonctionnaires prétendûment incompétents plutôt que par eux-mêmes avec l’aide de banques qui déroulent déjà le tapis rouge à ces clients super-privilégiés ?
Pourquoi le MEDEF considère que des droits à la retraite spéculatifs valent plus que des euros sur un compte en banque ?
Cela en dit long sur la valeur de vos euros s’ils valent moins qu’une promesse exprimée en points d’un État surendetté.
N’auraient-ils pas plus à gagner en investissant ces sommes en bourse plutôt qu’à laisser l’État s’en occuper ?
En public ces chantres de la privatisation forcenée de tous les biens publics vous disent que si, mais quand il s’agit de leur argent, ils savent très bien que NON, il n’y a que des coups à prendre en bourse et les promesses des États passent encore pour un refuge salutaire et recherché face à la folie des marchés et les risques de krach.
Dans cette affaire, mon cher lecteur, nous sommes le petit village gaulois dans le génial Asterix et le Chaudron où l’ignoble Moralelastix vient confier son or aux candides gaulois pour mieux le leur voler ET exiger réparation.
Je me représente aussi nos retraites comme un refuge de haute montagne trop petit avec une tempête de neige à l’horizon.
On y est mieux que dehors, mais à l’intérieur, c’est la foire d’empoigne pour se faire sa place au détriment des autres, il y règne la loi du plus fort.
Alors faut-il se résoudre à la guerre de tous contre tous pour s’approprier sa part du trop maigre gâteau des retraites ?
Il existe une 3e voie. Pour filer la métaphore, tant que le ciel ne s’est pas encore déchaîné, nous pouvons construire notre igloo à nous, ensemble. C’est celle que nous explorons avec Aude Kersulec dans le nouveau dossier de Risque & Profit : Assurez votre retraite à tout âge.
À vrai dire, entre les chantages des syndicats qui menacent de tout bloquer et ceux des super-cadres de tout lâcher, avec des amis pareils, il est probable que l’igloo soit encore la moins mauvaise des solutions pour les paisibles et les industrieux qui pensaient un jour être récompensés pour leurs efforts.
Le grand péché de la réforme des retraites, c’est qu’elle va faire tout reposer sur les classes moyennes enracinées et industrieuses : les avantages indus, les fautes de gestion, les politiques monétaires destructrices. Cette réforme est une apologie du vice qu’elle comptait combattre.
L’enfer est pavé de bonnes intentions. Ces derniers temps, nous avons une fâcheuse tendance à refaire à neuf la route vers notre perdition.
Dans la dernière édition de Risque & Profit :
- Nous vous dévoilons l’idée centrale et originelle de ce système universel, encore plus vicieux qu’il n’y paraît :
- Il NE s’agit PAS de passer tout le monde à un système à point,
- Il NE s’agit PAS de fusionner les régimes;
- Il NE s’agit même PAS de fixer un âge pivot de départ à la retraite.
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Guy de La Fortelle